Froid et propre

Esthétique léchée qui manque un peu de fantaisie et qui relaie un peu trop les poncifs des environnements types accolés à certains types d'ambiance. Mais il faut dire que les textures froidement propre m'est agréable j'ai un petit faible pour cette manière de représenter dans les films gros budget de la décennie qui vient de passer, et les rapports d'échelle bien montrés et mis en scène impressionnent évidemment le spectateur perméable que je suis.

Villeneuve tire bien parti du media cinéma pour sa narration, idée accentuée pour ceux qui auront lu le livre et s'étant farci les élucubrations de personnages décrivant fortuitement leurs projets et intrigues pendant leurs sautes d'humeur sur des vingtaines de pages en début de livre, le film est au contraire économe en dialogue, c'est montré, et mieux encore, c'est compris pour l'essentiel. Quelques changements notables vis-à-vis du livre dans la personnalité de certains personnages dont on ne saura sans doute pas si c'est un effet de la maladresse des dialoguistes ou d'une volonté marquée, mais qui s'inscrive bien dans le tableau final alors qu'importe. On regrettera quand même dans cette visée que le désert manque très nettement d'atmosphère étouffante alors que c'est verbalement indiqué à de très nombreuses reprises, étant un effet important du contexte. Et les ralentis qui accentue l'effet film à gros moyens cocheur de case.

Effet qui ne sera pas démenti par la bande originale, quand on pense que la SF des années 70 balançait de lourdes ambiances rock progressif ou jazz fusion, le pastiche d'orchestration avec arrière plan sonore qui remplit les oreilles continûment qui a remplacé ça - et qui se retrouve dans la plupart des films gros budget qui se veut sérieux, toute ambiance - ne peut pas manquer de faire lever les yeux au ciel, Zimmer ne s'étant évidemment pas empêché de balancer ses cris de baleine de Blade Runner 2049.

Au delà de la narration assez soignée, le film manque d'une idée générale pour le démarquer non seulement du livre mais aussi du zeitgeist (qui plus est, avec un peu de délai), il aime à rappeler que c'est un film avec des moyens, mieux utilisés que la moyenne ambiante de son époque il est à dire, mais dont l'aura ne subsistera qu'appuyée par celle de son support, d'où provient de toute façon la plupart de ses qualités notables. Cette absence d'idée esthétique propre est d'autant plus dommage qu'à part ça le film diminue le propos politique et la perspective historique du livre, et ne propose rien de notable de ce côté non plus.

Film qu'on peut regarder et qui mérite quand même qu'on ajourne un peu son oubli.
Critique écrite dans le style du film.