Aucun film n'aura suscité une telle attente pendant la pandémie et ses reports successifs. Après les brillants Premier contact et Blade Runner 2048, j'attendais que Denis Villeneuve nous livre l'adaptation la plus complète possible du roman d'Herbert. Si j'étais en droit de craindre la qualité de l'adaptation d'un point de vue scénaristique, j'étais moins dans l'inquiétude quant à la qualité de la mise en scène que nous proposerait Villeneuve. Et il faut reconnaître que c'est bien tout l'inverse qui s'est passé.
Dune relève brillamment son adaptation du roman. Le rythme relativement lent du film permet de suivre avec patience l'avancée scénaristique de l'ouvrage sans donner le sentiment de rusher le livre (contrairement à la dramatique, mais attachante adaptation de Lynch). Les personnages sont correctement restitués, les acteurs sont bien dans leurs rôles, bien que Paul Atréïdes apparaisse assez froid. Ne restait alors plus qu'à mettre tout ça en boite à la sauce des moyens techniques du cinéma blockbusters de 2020. Et de ce côté, j'ignore si c'est parce que Villeneuve s'est noyé dans le pognon de ses producteurs, ou si c'est la trouille de reproduire le bide en salle de son Blade Runner, mais il nous livre de ce point de vue un produit cinématographique d'une surprenante banalité !
Les scènes d'actions sont cruellement déjà vues, la scénographie, les plans et cadres du film sont désespérément stéréotypés, rappelant tantôt Game of Thrones, tantôt Star Wars, avec le pressentiment que l'ensemble viellera mal. Et que dire de ces tristes couleurs bleues/grises/dé saturées ? L'ensemble apparait trop lisse et trop froid, bien loin des 100 degrés terrassant que décrit Herbert dans l'ouvrage. En outre, la composition sonore d'Hans Zimmer est vide de créativité, avec un orientalisme exacerbé doublé des gros bruits métalliques stridents avec lesquels tous les blockbusters nous cassent les oreilles depuis The Dark Knight. En bref, sur l'ensemble, on a l'impression que Villeneuve s'est perdu en route et l'on ne retrouve pas sa patte d'auteur. Il ne fait pas du Villeneuve, mais du Nolan. J'adorais Nolan jusqu'au désespérant Tenet, mais s'inscrire dans des choix artistiques - graphiques et sonores - déjà vus à maintes reprises, c'est prendre le risque de paraître has-been tellement ça a été exploité, pompé et re-pompé entre temps.
Heureusement, il reste une moitié du livre à adapter, la meilleure. Si l'on peut imaginer que certains choix artistiques perdureront, on peut espérer que Villeneuve se rattrape sur d'autres. Dune n'est pas un mauvais film, loin de là, mais c'est un film froid, sorti avec dix ans de retard. Et ça, c'est frustrant.