Achtung : spoilers !!!
Globalement un petit ton en dessous du premier opus, cette suite reste néanmoins d’un niveau très bon. Pourquoi ce sentiment ? D’abord la structure, à l’effet inverse : on commence lentement pour accélérer à la fin. Et le début peut paraître très bavard, même si cela est plutôt utile pour comprendre les tenants et aboutissants de l’intrigue. Pour votre intérêt, ne lisez pas la suite si vous n’avez pas vu le film, car il m’est quasiment impossible de ne pas dévoiler l’intrigue.
D’un point de vue formel, rien de bien neuf sous le soleil : Villeneuve est un très bon technicien, mais avec les mêmes défauts que Nolan, comme ce sentiment qu’il donne de parfois se regarder filmer (comme tout ce passage très emprunté à l’imagerie de Leni Riefensthal lorsqu’il présente la montée en puissance de Feyd-Rautha (Austin Butler)). Néanmoins, il mène sa barque de manière très sûre et on en prend plein les mirettes, des scènes de combats, à la chevauchée du ver en caméra embarquée.
Sur le fond, ce film est plus intéressant, car il n’hésite pas à aller sur le terrain politique sans nous perdre (chose dans laquelle avait échoué Lucas), nous faisant bien prendre conscience du nid de vipères dans lequel nagent toutes ces familles.
En ce sens, le rôle de Jessica (Rebecca Ferguson)la mère de Paul (Timothée Chalamet), qui cache sa stratégie sous des enjeux religieux (on y reviendra), est de plus en plus trouble. Elle en fait un enjeu personnel (se défaire de la révérende mère Bene Gesserit (Charlotte Rampling) qui est, à force de manipulations, à l’origine de l’éradication de la maison Atréides) tout autant que plus global, cherchant à faire basculer l’empire. Allant jusqu’à manipuler son fils.
Le fond religieux est tout aussi malveillant. Stilgar (Javier Bardem) pense agir au mieux pour son peuple : il voit dans chaque action de Paul un indice sur le fait qu’il est l’élu. Mais on peut aussi interpréter tout acte comme une adaptation à sa vision de ce que doit être l’élu. Le serpent se mord ainsi la queue. On a également vu que les Bene Gesserit œuvraient dans l’ombre pour faire et défaire les alliances et les gouvernements comme bon leur semble (ce qui aura comme limite l’atteinte à l’intime).
On voit aussi à quel point ces accès religieux est un levier suffisamment fort pour conduire à une résistance qui devient vite une guérilla.
Et Paul dans tout ça ? Il grandit, refusant d’admettre son statut d’élu, préférant se mentir à lui-même par amour pour Shani (Zendaya) et affirmant voulant être un membre du peuple Fremen (l’héritage de son père qui lui a toujours montré combien l’humain est au-dessus de toute considération politique). Il est hélas rattrapé par la dure réalité (et par les manipulations de sa mère) : son statut de messie d’un peuple est la seule solution pour lui de sauver ce monde qui, de toute manière, au vu des événements, court à sa perte. Il va devoir ainsi faire un compromis (une compromission) en sacrifiant l’amour à la realpolitik.
Au détour de cette fin un peu amère, on peut prendre en compte l’importance plus grande du personnage de Shani par rapport au roman, ce qui donne un enjeu plus rude à l’intrigue. Et elle demeure celle qui apporte un regard lucide sur la situation, nous renvoyant à un ancrage contemporain de ce que devient notre monde : un vaste empire de communication et de mensonges qui n’est là que pour servir des intérêts particuliers.