Tandis que le premier opus sortait en salles dans une période encore marquée par le covid et donc un battage médiatique limité, Dune : deuxième partie bénéficie quant à lui d’une introduction en grande pompe, augmentant d’autant plus nos attentes. Denis Villeneuve a choisi de séparer le livre de Frank Herbert en deux, au moment de la chute de la maison Atréides, ce qui engendrait un manque d’équilibre du premier film. Il est certes magnifique, mais étirait un peu trop l’exposition quitte à devenir un peu pompeux, et souffrait pour ma part d’une bande-son écrasante. Le deuxième film reprend où l’on s’était arrêté : Paul et Jessica rejoignaient les Fremen, encore pourchassés par les Harkonnen qui reprenaient leur colonie par la force.
Le film suit donc la révolte des Fremen, qui voient dans l’arrivée de Paul celui de leur messie libérateur, alimentée par Jessica et les Bene Gesserit. Paul continue de refuser ce rôle qu’on lui impose et qui ne peut mener qu’à une guerre sainte, mais est également tiraillé par son attirance pour Chani, son devoir et ses envies de vengeance envers les Harkonnen et l’Empereur.
Profitant de tout ce qu’a construit la première partie, le film peut ici se passer de longues expositions sur le contexte général pour se contrer sur une échelle qui alterne entre l’intime et la grande histoire. Denis Villeneuve réussit ici un grand film, qui prend à la fois le temps de s’attarder sur certains personnages, comme la relation de Paul et Chani, de ramener de l’humour et donc une véritable humanité, mais qui sait aussi questionner des concepts plus abstraits comme le pouvoir et la religion, et déploie enfin des scènes d’action spectaculaires.
Alors que le réalisateur assure avoir enchaîne mentalement les deux, on ne peut s’empêcher de penser qu’il a intégré les critiques constructives du premier. Son film est plus accessible, plus divertissant, mais pas moins intelligent. Il dépasse le mur de la solennité du premier film pour atteindre plus d’empathie, et on se sent nettement plus immergé. Enfin, la musique semble également davantage maitrisée, elle est plus au service du film qu’en collusion avec lui. J’ai également apprécié le traitement fait à toute la partie religion, clergé et fanatisme, assez peu présente dans le premier film. La foi en tant que concept n’est jamais dénigrée, tandis que chacun est confronté à la religion en tant que construction socio-politique et instrument des jeux de pouvoir.
D’un point de vue technique, tout y est également, l’univers est extrêmement fouillé (cette vidéo sur le son, vu juste avant le film, montre le grand travail opéré sur le film), la beauté des décors et des costumes. Le film s’autorise des envolées créatives réjouissantes, comme le soleil inversé de Giedi Prime. Les rôles féminins sont bien écrits, et le film arrive à donner un espace et une place à chacun. Thimothée Chalamet, Austin Butler et Rebecca Ferguson sont impressionnants, et l’évolution du personnage de Zendaya et son interprétation sont dans une grande justesse. C’était justement une des attentes, Chani ayant eu peu d’espace dans le premier film. Ici le pari est réussi.
Maintenant, même si le film est en soi meilleur que le premier, il ne peut exister sans lui. Pour moi, c’est grâce à cette première partie très forte, pesante, que le contexte galactique prend tout son sens, ainsi que le déterminisme opéré par les Bene Gesserit. On peut voir Dune 2 techniquement sans avoir vu Dune 1 ; je pense qu’on comprendrait l’histoire sans souci. Mais il manquerait une vraie profondeur, une base solide, un tremplin qui permet au deuxième opus de véritablement prendre son envol. Et pourtant les deux films ne sauraient être réunis en un, chacun arborant une identité visuelle, sonore et tonale différente. Comme deux faux jumeaux, partageant une même gestation, mais bien distincts.
Pour finir, nous n’avons toujours pas vu le voyageur galactique, mais les marteleurs et les vers sont bels et bien présents. Et le désert semble enfin un peu plus chaud. Il serait peut-être enfin temps que je lise les livres, le temps que Villeneuve obtienne un scénario digne de son nom pour un troisième opus.