"Un chef-d’œuvre de science-fiction futuriste", "Du jamais vu depuis Star Wars ou Le Seigneur des anneaux", "Monumental et historique",...Il y a un peu plus de deux ans, les titres se tiraient la bourre pour décerner la plus belle couronne à Denis Villeneuve pour Dune, cette arlésienne qu'on osait plus attendre après la tentative de David Lynch en 1984. Faisant officiellement parti des troubles-fêtes, je restai interdit devant cette démonstration rare d'unanimisme envers un premier acte dont la grandiloquence vantée dans les avis m'apparaissait à moi comme d'une invraisemblable platitude. Un trouble directement imputable à Villeneuve, qui parvenait à résumer les passionnantes thématiques chères à Herbert tout en les desservant avec une direction artistique et mise en scène compassées. Si cette nouvelle adaptation entendait se positionner comme le marqueur culturel pour plusieurs générations de spectateurs, c'était fort mal parti de mon point de vue. Le second volet arrive et avec lui la promesse de voir les enjeux et les personnages grimper en importance, donc l'espoir d'un changement de ton pour affirmer son statut de grande saga S.F pour les années à venir...
Eh bien non, l'histoire avance mais le style ne bouge pas des masses. La palette chromatique s'étend toujours du gris à l'ocre avec la petite touche de noir et blanc sur Giedi Prime (la planète des Harkonnen). La dominante austère de cette colorimétrie et l'aspect brutaliste des décors sont tout juste nuancés par de courtes séquences en extérieur (et en couleurs) chez la Maison Corrino. Quoiqu'on en pense, les choix esthétiques de Villeneuve étaient posés depuis 2021, donc cette partie 2 s'inscrit dans la continuité. Denis Villeneuve conserve cette réalisation empesée, avec un goût pour le money-shot poseur et un petit dégoût pour l'action. Pour sa défense, Dune partie 2 contient tout de même quelques scènes démonstratives, une poignée de plans où le jeu sur les échelles fonctionne et des combats au corps-à-corps un peu plus engageants. Villeneuve n'a hélas pas grand intérêt pour la bataille finale, dont nous ne verrons que des bribes. Spectacle timoré, en particulier pour un budget pareil. De manière générale, les émotions sont toujours aussi peu sollicitées, la faute à cette mise en scène distancée face aux potentialités offertes par ces personnages et cette étape essentielle dans la mythologie d'Herbert.
Car s'il y a bien un élément à mettre au crédit de ce chapitre, c'est la complexité d'un héros destiné à un parcours où il doit assumer des responsabilités qui l'écrasent, lutter entre ses sentiments pour Chani et un rôle messianique qu'on lui destine. Paul Atréides doit grandir et surtout choisir quel adulte il peut devenir. Dune partie 2 aborde frontalement les questions entremêlant théologie et politique, avec cette ligne de démarcation très fine entre foi et fanatisme, espoir d'un renouveau et crainte d'un asservissement cyclique. Le récit verbalise suffisamment ses problématiques pour qu'on les intègre, faute de les ressentir pleinement. On ne pourra pas trop compter sur Timothée Chalamet, toujours aussi monolithique. L'émotion point à l'horizon essentiellement grâce à Zendaya (Chani), dont le rôle s'épaissit considérablement malgré une romance pas très bien racontée. La gestion du temps est à ce titre étrange, les plusieurs mois de "formation" avec les Fremen sont expédiés. Les femmes sont à l'honneur, Rebecca Ferguson et Florence Pugh ajoutent l'ambigüité nécessaire pour contrebalancer la froideur de cette mise en scène Villeneuve.
La partie 2 est auréolée de la même réception que le premier, une palanquée d'éloges et de comparaisons flatteuses. Dans les faits, Denis Villeneuve rentre dans le vif du sujet à sa façon, de manière clinique. À mon sens, ce n'était pas la meilleure manière de faire exister l'univers d'Herbert. Une fois encore, on comprend les lignes de force. D'avantage par le dialogue que par les images, ironique de la part d'un réalisateur qui peste sur leur utilisation au cinéma. Dune partie 2 ne manque pas de substance mais de vie. C'est le problème qui persiste en dépit de quelques améliorations sur le spectacle. En 2021, le vers était dans le fruit. Il est aujourd'hui à moitié plein.