Comme Steven Spielberg avant lui, Christopher Nolan souhaitait réaliser son film de guerre, passage obligé pour être considéré comme un réalisateur digne de ce nom. La particularité de Dunkerque est que le film, au contraire de Spielberg, ne raconte pas un débarquement, mais un embarquement, la survie comme Nolan l'a lui-même qualifié. Le décor est planté, dès les premiers plans, c'est une histoire de survie. Et c'est une réussite en de nombreux points.
La photographie sublime qui souligne finement la détresse des soldats est incroyable. La bande sonore vous saute elle aux oreilles: c'est une agression sonore continue, une guerre qu'on entend, qui nous guette, mais que l'on ne voit pas comme ses ennemis dont on ne verra pas un visage, qui ne sont que des ombres. La magnifique bande originale de Hans Zimmer fait monter la tension sur cette guerre invisible. Le silence des soldats fait mur au brouhaha des batailles.
Comme pour Memento ou Inception, on retrouve cette passion de Nolan pour le temps; le film est raconté sous trois angles temporels: une semaine sur la jetée, un jour sur un bateau et une heure dans un avion. L'entremêlement de ces trois timeline fonctionne et Nolan brouille les pistes avec ces temporalités, c'est une perte de repère totale; après tout, la guerre n'est qu'une question de point de vue.
Les acteurs sont intelligemment dirigés; le casting brille de par ces qualités de jeu, de Fionn Whitehead, à Mark Rylance en passant par Harry Styles. Le pari de Nolan de réaliser avec un casting avec de nombreux acteurs débutants s'avèrent un succès.
Il faut aussi avouer certaines faiblesses au long-métrage. Pour mieux planter le décor, Nolan avait posé ces caméras à Dunkerque même pour une reconstitution plus grande que nature; c'est honorable, mais Nolan en à oublier que la ville avait bien changé et les anachronismes semblaient par conséquent inévitables; Dunkerque des années 2010 n'a plus grand'chose à voir avec Dunkerque de juin 1940. Avec ce même décor se pose un autre problème: il est difficile de s'imaginer le hors champ; le film manque de continuité dans le décor ce qui rend la reconstitution moins crédible et lui donne un aspect artificiel.
On a reproché à Nolan l'absence des armées françaises, et même un déni des troupes françaises, sur sa reconstitution grandeur nature de l'opération Dynamo. En réalité, français et anglais ont embarqué ensemble et des navires de guerres français ont participé à l'évacuation. Il est donc vrai que Nolan a négligé cette partie historique, bien qu'il ne s'agisse pas de la première fois que des faits historiques soient négligés dans un film. Pourtant, au tout début du long métrage, les soldats français y sont présentés comme les derniers remparts de la citadelle dunkerquoise. Le propos est même cynique; les anglais attendent sagement d'embarquer pendant que les français les protègent des avancées allemandes. On apprend par ailleurs que les français n'ont pas le droit d'embarquer avant les anglais.
Christopher Nolan ne raconte certes pas la réalité historique, mais ne fait de déni français; il permet aux anglo-saxons qui ne connaissent l'histoire que de leur point de vue d'entrapercevoir la façade d'un autre point de vue et de voir l'héroïsme ordinaire des soldats français durant cette évacuation.
Dunkerque s'avère peut être moins bon qu'un autre film traitant du même événement (Weed-end à Zuydcoote) mais est loin de démérité; il reste un film à voir intensément.