Ah Nolan...Entre ses fanboys hystériques prêts à menacer de mort quiconque osera toucher au "meilleur réalisateur de tous les temps" et les cinéphiles, les vrais, qui tentent tant bien que mal de le snober tout en allant voir son dernier film le jour de sa sortie; nul de doute qu'il est l'un des réalisateurs, si ce n'est le réalisateur, a déchaîner le plus les passions.
Pourquoi ? Parce que de un, il est l'un de rares auteurs de blockbusters, chose d'autant plus rare que le genre est complètement gangrené par des studios qui transforment leurs films en vulgaire bandes annonces pour le prochain film déjà en chantier. Et de deux, parce qu'il est le seul à avoir cette ambition de vouloir marquer les esprits, de vouloir proposer quelque chose de jamais vu, jamais encore réalisé... Du camion qui se retourne sur lui même pour clôturer une course poursuite à l'équipage d'un vaisseau balayé par d'immenses vagues en passant par un Paris qui se retourne comme un mille feuille... Chaque film souligne l'obsession du réalisateur pour le spectacle et la volonté de mettre le spectateur KO. En témoigne aussi ses scénarios labyrinthiques qui n'en finissent pas, au risque parfois de paraître un peu superficiels et son goût pour les scènes d'actions réalistes.
Dunkirk n'échappe pas à tout cela... Sauf qu'à force de vouloir divertir pour tous les moyens, on finit par ne faire que ça.
Certes, je n'ai jamais vu un film de guerre de la sorte, oui, il y a des images impressionnantes et marquantes (surtout en 70 mm, la pellicule possède un grain et des couleurs que ne possède pas le format 35 mm), une virtuosité dans la mise en scène mais tout le film, mais absolument tout le film ne vise que le divertissement absolue, l'expérience unique.
ça a beau être intense, c'est un peu vain. On ne va pas seulement au cinéma pour être diverti, on veut être toucher par l'humanité des personnages, par l'universalité d'un thème. Pour interstellar, le film m'était resté dans le tête quelques jours après le visionnage, là, peu de chance que cela soit le cas pour Dunkirk.
Parce que ce film ne raconte pas vraiment d'histoire, ni ne met en scène de réels personnages... On a là un film abstrait qui s'acharne à nous faire vivre tout le chaos et la terreur que pouvait être cette opération dynamo.
Et je dis bien s'acharne, à l'image de cette musique qui ne s'arrête jamais. Tout comme je déteste quand on nous fout des violons quand une scène est triste pour bien souligner au spectateur que c'est le moment de chialer, je n'aime pas quand on a sans cesse cette musique qui te dit " c'est maintenant que tu dois stresser ! stresse ! stresse ! ". A la longue, c'est un peu barbant.
Tout n'est pas à jeter cependant dans l'utilisation de la musique.J'ai beaucoup aimé ce rapprochement entre les bruitages et la musique, on ne sait plus par moment si se sont les coups de fusils et de mitrailleuses qui rythment le film ou la musique.
Le traitement des Allemands est aussi une bonne idée. Nolan a compris que dans un survival ou dans un film d'horreur, il faut suggérer la présence de l'ennemi ou de ce qui fait peur. En aucun cas, il faut humaniser l'ennemi et c'est ce que Nolan a fait : les allemands frappent à n'importe quel moment, n'importe ou, n'importe quand, jamais vraiment présents et pourtant la menace est constante. Avec traitement, nul doute que Nolan se soit inspiré des Oiseaux ou des Dents de la Mer.
Finalement, le reproche qu'on peut faire un Dunkirk est le même qu'on pourrait faire à tous ses films : c'est froid. Malgré la virtuosité et la maîtrise du réalisateur, Dunkirk reste toujours à distance du spectateur.
Je me souviens d'un tweet ( le seul tweet qui a dit quelque chose de vraiment pertinent sur le film) disant que ce n'était pas le genre de films qu'on aimait. C'est vrai et cela veut tout dire : il n'atteint pas le cœur.
Entre quintessence du cinéma de divertissement et film expérimental un peu vain, Nolan signe un film unique certes, mais qui manque de résonance.