Face à la puissance de la guerre, dans toute son horreur et dans sa dimension mondiale, le concept du huis-clos paraît toujours particulièrement pertinent et ambitieux. De ce point de vue l'idée de base du scénario est, sur le papier, attirante.
Brossons d'abord les aspects positifs, déclinés à toutes sauces dans bon nombre des critiques déjà publiées, ici ou ailleurs et bien meilleures que celles-ci.
Le grain du 70 mm est particulièrement beau, tout simplement, disons-le. Les plans des Messerchmitt piquants à la Hitchcock, des cadrages serrés, immersifs et haletants sont fantastiquement menés. La photo, diaboliquement magnifique, a quelque chose de suspendu et d'éternel. Le son, le son est incroyablement bien dosé, en parallèle d'une gestion du silence géniale finissent de donner toutes les lettres de noblesse au film dans sa dimension technique. De tous ces aspects le film est réussi, magistral, et vous plonge dedans, vous scotchant au siège.
La dimension du scénario et la faiblesse du storytelling dérange un peu car nous n'avons pas tellement l'habitude de ces codes, surtout dans un blockbuster, surtout de la part de Nolan, féru de scenarii tortueux et labyrinthiques. De ce point de vue, les dialogues passent des fois au travers et les sous-intriguent ne prennent jamais vraiment.
Je garderai au delà de tout; deux points très marquants du point de vue de la mise en scène :
-le travail du hors-champ, avec en filigrane la menace permanente de l'ennemi, toujours désincarné, jamais vu à l'écran, induisant de facto la difficulté omniprésente, ainsi que la peur, primale, poisseuse.
-la menace permanente de l'eau, barrant de tout son poids les ambitions et les espoirs. Pourtant décrite quelques fois comme "calme" ou "tranquille", elle pèse d'une lourdeur inerte et réduit tous les efforts à néant, en permanence. Le reflux des cadavres dans l'écume a quelque chose de dramatiquement poétique, liant morts et vivants dans le même destin, bloqués.
A voir une deuxième fois, assurément.