Loin de ce qui a pu nous être offert dans le genre depuis plusieurs années, Christopher Nolan ne réinvente pas forcément le film de guerre, mais il y impose un style atypique, qui se démarque nettement de sa filmographie et du paysage cinématographique en général par sa narration et son intention première.
Dunkirk n'est pas un film de guerre en soit, et comme son réalisateur l'a toujours décrit, c'est un film qui met en avant l'espoir, la survie et la peur. La peur, qui se met en place dés les premières secondes du film en nous attrapant par la gorge brutalement sans jamais nous lâcher pendant 1h40. Totalement épuré dans son écriture et ses personnages, le film ne tend pas à développer de manière interminable ( comme a déjà pu le faire le réalisateur dans d'autres films) des personnages avec des dialogues lourds, mais il les minimise pour privilégier un langage par l'image, faisant un portrait global des soldats britanniques à travers quelques personnages associés à un territoire: la terre; l'eau; le ciel.
Conceptuel au possible, Christopher Nolan ne cherche pas à nous raconter des événements historiques avec une exactitude d'historien, mais son intention première est de nous faire vivre, ressentir le combat de ces hommes pour la survie en restant au plus proche d'eux. Délaissant de nombreux artifices cinématographiques, avec une dimension anti-spectaculaire par la caméra qui reste toujours à taille humaine, le film n'en reste pas moins impressionnant par l'immersion et la véracité qui s'en dégage. Dans l'esthétique, la plasticité, Christopher Nolan, accompagné de Hoyte van Hoytema, expérimente au maximum et impose ainsi une esthétique globale loin de ses précédents films. Ici, la caméra est au plus près des personnages et fait corps avec eux. Elle filme des corps en constant mouvement avec une réelle énergie. À chaque action, la caméra agit et réagit pour renforcer l'immersion offrant ainsi une dimension claustrophobique qui transforme les plages de Dunkerque et ses eaux en véritable bocal à poisson rouge.
Film sensitif à la fois anxiogène et immersif. Surprenant et simple à la fois. Christopher Nolan nous offre une expérience rare au cinéma, nous envoyant directement sur les plages de Dunkerque, là où le temps semble s'être arrêté, tout comme notre souffre pendant 1h40. Le film peut paraître frustrant par l'épuration de nombreux éléments et une narration qui sort des formalités, privilégiant un enchaînement fluide de diverses situations intenses jusqu'à l'évacuation des soldats accompagnée d'une musique de Hans Zimmer ( un peu fainéant parfois) qui ne s'arrête pas une seconde et qui propose au film, outre un aspect stressant où le suspense dure, dure et dure, une dimension angoissante digne d'un film d'horreur. Dunkerque est transformé en terrain dangereux avec un ennemi invisible mais menaçant. Sa présence est toujours là mais n'est jamais vu, et une grande force réside par ce hors champ constant. Avec ce film, Nolan expérimente plus que jamais et se trouve, avec ce film, entre Stanley Kubrick, Pierre Schoendoerffer et Terrence Malick par le lyrisme et l'onirisme qui plane parfois sur son film, tout en conservant un spectacle typiquement "nolanien" ( avec une fin typique de Nolan, ce qui peut déranger) qui en met plein la gueule.
On en ressort, non pas avec l'impression d'avoir vu un film, mais d'avoir vécu quelque chose.