La course contre la montre. Une lutte désespérée pour survivre et pour combattre deux ennemis, l’un de front, les allemands, et l’autre dans la tête, le temps. Dunkerque matérialise tout ces aspects en 1h47 d’une intensité incroyable et insoutenable. En préambule de l’avant première, ce bon vieux Nolan a expliqué qu’il voulait nous faire vivre une expérience. Il souhaitait par-dessus tout que les spectateurs soient collés à leur siège tout du long, étouffés par un rythme que l’on voit rarement au cinéma. C’est une mission réussie, mais avant de rentrer dans le détail de ses forces et faiblesses, je souhaitais mettre en avant le fait que Dunkerque est particulièrement différent du reste de sa filmographie. Autant sa réalisation reste peu ou prou la même (malgré un plus faible nombre de plans et un montage moins cuté), c’est davantage dans la narration et dans le scénario que l’on constate des différences. Mais j’y reviendrai.
Le film s’ouvre comme il se termine. D’une intensité incroyable. On est pris en haleine dès les premières minutes, et que de frissons cette introduction aura pu me procurer. Que la tension reste à son paroxysme n’est pas chose aisée mais ce n’est pas cela qui m’a le plus impressionné. C’est surtout le rythme du film. Car une scène peut très bien s’avérer tendue mais d’un rythme lent, ce qui personnellement me permet de souffler un peu. Or dans ce film on n’a pas une once d’apaisement. Cette élaboration narrative impose un traitement des personnages extrêmement faible, exit les longs discours et les dialogues exploratifs. Il est probable que cet état de fait puisse déranger, mais ce ne fut pas mon cas puisque cela sert l’aspect irrespirable et intense du film.
Cette narration par les émotions provoque plusieurs conséquences. La première est que le film est totalement dépourvu d’humour. J’ai déjà assisté à des films dont l’humour est quasi inexistant sauf que l’on a presque toujours une petite blague par-ci par-là. Or ici, c’est le néant. Et ça fait du bien. A défaut d’être un film sombre du point de vue de la photographie, il l’est dans son traitement. La noirceur qui découle de son ton sérieux est une des forces principales du film. Une autre conséquence est que le scénario est simplifié. Étant féru des scénarios de Nolan, ici nous avons droit à quelque chose de bien moins alambiqué et subtil. Pour moi le film qui possède le plus de similitudes dans ce sens est Mad Max Fury Road. Sans posséder un scénario complexe, le traitement de celui-ci lui confère une essence et une fluidité parfaite. Le film va à l’essentiel et sait être d’une sacrée profondeur, sans emprunter des voies trop complexes. D’ailleurs, difficile de situer le film dans une échelle de genres. Est-ce un suspense ? Un film de guerre ? C’est avant tout un film sur l’image, sur les émotions des personnes prises au piège, sur l’écoulement du temps.
Après le fond, la forme. D’habitude je commence par l’inverse mais c’est au feeling du film et là ça me semblait trop important de parler du rythme choisi. En ce qui concerne les aspects techniques, les décors sont au top, accompagnés d’une jolie photographie, les actions sont filmées de manière réaliste mais rien de bien surprenant de ce point de vue. Nolan adore les plans réels, sans trucages. C’est d’un réalisme froid et cruel. Tout comme la bande-son par ailleurs. Et c’est probablement ce qui m’a le plus déçu, sans aller dans l’excès. La BO de Hans Zimmer est bonne mais elle reste extrêmement linéaire et répétitive. Bien qu’elle réussisse avec efficacité à accompagner l’action, je n’ai pas remarqué de thèmes qui sortent du lot. Pour sa défense, je dois l’écouter à part, tant le son est parfois occulté par les bruitages des avions ou des vagues. Enfin les acteurs sont vraiment convaincants. Alors certes il est difficile de s’attacher aux personnages vu leur traitement, mais ils compensent cela par une performance bluffante et sans équivoque. Tous autant qu’ils sont. Les stars du casting comme Tom Hardy, Cillian Murphy ou Mark Rylance sont excellents, comme à leur habitude. Je suis toujours impressionné par les performances de Murphy, malheureusement un acteur plutôt sous-estimé. Les deux autres n’ont plus rien à prouver. Mais les petits nouveaux s’en sortent vraiment bien ! Fionn Whitehead, personnage central s’il doit y en avoir un, est d’une justesse étonnante. Et à mon plus grand étonnement, Harry Styles remplit bien sa part du contrat. Il est d’ailleurs l’un des personnages qui apparaît le plus et il m’a étonné à chacun de ses passages. Christopher Nolan a choisi un casting de jeunes pour jouer des jeunes, et cela se répercute positivement sur le réalisme du film. Une facette que l’on aimerait voir plus souvent à Hollywood.
En conclusion, je ne suis pas déçu. Je n’attendais pas ce film comme le messie mais il est bien vrai que j’étais impatient de savoir ce que cela pourrait donner et ce que j’allais ressentir, presque trois ans après Interstellar. Malgré quelques petites failles, le film a su me donner satisfaction sur de nombreux points, à commencer par les émotions que le film m’a transmis, le divertissement qu’il génère et l’impossibilité de l’effacer de mon esprit, des heures après l’avoir vu.
L’immersion avec les personnages est totale, on se retrouve au milieu de cette guerre dont on voudrait se dépêtrer au plus vite, mais la menace revient encore et encore. C’était la volonté de Nolan de nous plonger au cœur de ces hommes, trop vieux pour vivre et trop jeunes pour mourir.