"A titre personnel, je trouve ça parfaitement dégueulasse. A titre professionnel je ne pense rien."
Ça fait un moment qu'il me faisait de l'oeil, ce curieux film. J'avais lu à son propos que c'était un film dérangeant, assez peu connu, sur un sujet grave, avec une grande interprétation de Jean Carmet. Et après visionnage, je reste saisi.
Saisi par la véracité des dialogues et des situations. Des dialogues sordides, haineux, fielleux, qui pourtant pourraient, même de nos jours, sortir de la bouche du premier connard venu. Là où ce film fait fort, c'est qu'il n'y a pas qu'un seul connard mais toute une belle bande de saligauds hauts en couleurs (Bleu, Blanc, Rouge, évidemment) que l'on pourrait croire sortis tout droit d'un de ces fameux meetings de la Belle Blonde ("On est chez nous, quoi, merde !"). Pour interpréter avec brio cette ribambelle de saletés ambulantes, le casting est royal : Jean Carmet est parfait en faux-jeton fourbe, Pierre Tornade merveilleux en bon vivant bébête mais honnête, Jean Bouise génial en inspecteur droit dans ses bottes mais impuissant, Jean-Pierre Marielle splendide en vedette démago, narcissique et hypocrite, et j'en passe.
Yves Boisset, grâce à sa mise en scène à la limite du documentaire et une écriture impeccable, saisit des instants de vie qui sont, au début, jovials et bon enfant mais qui, sous fond de racisme ambiant, va peu à peu déraper vers un récit gênant, sordide mais totalement plausible. Les personnages, bien que caricaturaux, embarquent le spectateur dans une histoire dégueulasse et le laisse impuissant face au drame qui se déroule.
Faire justice soi-même ou laisser la justice aux professionnels est un débat qui déchaine les passions depuis bien longtemps et qui risque de continuer au vue des faits divers d'actualités sur la question de la légitime défense en cas d'agression. Ce film suit bel et bien le côté de ces salauds, grossièrement dessinés, mais c'est pour mieux critiquer cette lâcheté, cette monstruosité même dans les actes ou dans les paroles qui peuvent être tenues. Car si la question du racisme est mise en cause, c'est bien la lâcheté qui est au centre du film avec ce Dupont Lajoie bien sous tout rapport, mais doué d'une personnalité nauséabonde.
"On a beau être habitué, on sous-estime toujours la saloperie des hommes. Si l'intelligence a des limites, croyez-moi, la connerie n'en a pas."
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