George Lajoie (Jean Carmet) est cafetier à Paris. Comme tous les ans il part avec sa femme et son fils au camping en Provence. Ils retrouvent les mêmes personnes comme les Schumacher (Michel Peyrelon et Odile Poisson) et les Colin (Pierre Tornade et Pascale Roberts) venues avec leur fille Brigitte (Isabelle Huppert) qui a bien grandi....
En 1975, Yves Boisset avait déjà sa réputation avec des films comme "un condé" ou "R.A.S" . Le cinéaste s'inspire en partie de la vague de meurtres racistes commis dans le Sud au début des années 70 et d'un autre fait divers s'étant déroulé à Grasse.
Il nous dresse le portrait d'hommes au racisme ordinaire et aux nombreux préjugés genre les gens du Sud se la coulent douce ou traitent de bougnoules les hommes de couleurs en particulier les Lajoie et les Peyrelon, Colin étant plus mesuré et tolérant. Et c'est ce qui rend le film encore plus fort puisque c'est sa fille qui va être la victime de viol et meurtre. Et qu'il est loin de se douter que le coupable est un de ses ami...
Heureusement , certains personnages ont toute notre sympathie comme Loulou (Robert Castel) ou Léon Lajoie, fils de George mais très différent de son père. Et plus tard dans le film , l'inspecteur Boulard (Jean Bouise) vient donner un peu d'humanité et le spectateur va s'identifier à lui à travers la caméra de Boisset qui est évidemment de son côté.
Et Boisset critique l'air de rien également un jeu populaire qu'il appelle "Intercamping" animé par Léo Tartaffione (Jean-Pierre Marielle). Les plus anciens auront reconnu "Interville" coanimé par Léon Zitrone où on voyait des français moyens s'affronter ce qui tombe bien puisque ces "racistes ordinaires" sont des français moyens....
Le casting est étonnant jusqu'aux petits rôles comme Victor Lanoux (excellent en beauf ), Pierre Tornade (drôle au début du film puis touchant en père meurtri), Isabelle Huppert (parfaite en jeune fille) , Robert Castel apporte sa bonne humeur habituelle, Jean Bouise donne une belle humanité à son personnage d'inspecteur, Michel Peyrelon est épatant en bourgeois raciste ....
Et puis bien sur Jean Carmet, habitué aux rôles secondaires dans des personnages souvent sympathiques comme dans "Le grand blond avec une chaussure noire", se retrouve ici , pour la première fois sauf erreur de ma part, en tête d'affiche . Il est phénoménal dans ce contre-emploi qui a traumatisé l'acteur. Il a déclaré avoir eu beaucoup de mal à incarner un personnage aussi détestable (pervers, lâche, raciste et meurtrier) et avoir eu du mal à se remettre. Il n'a d'ailleurs plus jamais joué de personnages aussi inhumains dans sa carrière.
Quant à Yves Boisset , il est au sommet de son art. On pourrait presque se croire chez Chabrol avec ces bourgeois quasiment tous détestables...
"Dupont Lajoie" fit sensation dès sa sortie et devint un gros succès public. Il est considéré par quasiment tout le monde comme le film le plus marquant de la carrière du cinéaste franc-tireur du cinéma français . C'est d'ailleurs mon favori. En le revoyant, j'ai été stupéfait de voir qu'il n'avait malheureusement pas vieilli, ce genre de racisme étant toujours courant....