Eat
5.6
Eat

Film de Jimmy Weber (2014)

[Contient des spoilers]


Novella McClure, actrice vieillissante n'ayant pas décroché un rôle depuis trois ans, tente d'oublier ses problèmes financiers dans des soirées glauques, accompagnée de sa meilleure amie quelque peu envahissante. Voyant sa vie lui échapper peu à peu, elle décide d'évacuer son stress en se réfugiant dans une forme d'automutilation bien particulière: la consommation frénétique de sa propre chair.


On pense forcément au beau "Starry Eyes" ou au torturé "Dans Ma Peau" dans le procédé utilisé, à travers cette description de la déchéance et des rêves brisées d'actrices trop petites, trop insignifiantes pour les requins d'Hollywood, réduites à se dissocier de leur corps pour supporter les affronts subis.
Malheureusement, le premier film de Jimmy Weber n'en possède ni la puissance évocatrice, ni la grâce de la suggestion morbide.


Perdu dans une esthétique multiple qu'il ne maitrise pas, on passe sans véritable liant d'un univers de papier glacé à un trip branchouille puis à un drame réaliste aux punchlines acides pour finalement retomber dans le film d'horreur à prétention sensorielle.
D'ailleurs, à l'image de la mise en scène, le parcours de l'héroïne n'est jamais un enchaînement logique à la tension crescendo mais semble toujours se dérouler par à-coup, comme si une scène n'avait pas ou peu de répercussion sur la suivante.
Novella se dévore le pied jusqu'à l'os suite à une tentative de viol où son amie tue les agresseurs mais se rend à une audition avec un simple bandage, plus adapté à une foulure qu'à une mutilation. Plus tard, elle découvre que son membre s'est nécrosé mais part à un rendez-vous galant apparemment sans plus de peine que les grimaces tirées à la macabre découverte et son état général ne semble jamais se dégrader lentement, durablement.
Le manque de cohérence générale et le rythme haché finissent même par nuire à la qualité de l'intrigue et torpillent aussi vite qu'elles sont venues les scènes fortes, censées instaurer de grands changements où l'héroïne retourne sa haine contre des producteurs peu scrupuleux pour finir par se dévorer (littéralement!) le cœur par fatalisme.
Par ailleurs, le fait que l'actrice Meggie Maddock parvienne toujours à rester droite dans son rôle et même à susciter l'émotion relève de l'exploit tant le reste est maladroit voire totalement grotesque. Et que dire des personnages secondaires à l’ambiguïté amenée avec une lourdeur pachydermique ou des scènes d'autocannibalisme tenant plus de la provocation gore qu'à de véritables outils narratifs.


"Eat" est une déception malgré de bonnes intentions, avec l'impression d'avoir assisté à un brouillon d'1h30 pas désagréable mais rempli de maladresses de débutant.
Entre le fait de vouloir tout donner, tout traiter d'un coup et se faire plaisir en tant qu'amateur de cinéma de genre, parfois au détriment de ce qu'il voudrait transmettre, Jimmy Weber se prend les pieds dans son propre sujet mais continue pourtant de tracer le sillon de l'horreur intimiste ayant émergé depuis quelques années, où l'individu même constitue à lui seul l'abomination.

Ramya
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le 14 janv. 2016

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