Eat the night est un film de la dialectique : la ville (ses parkings de centre commercial, sa supérette, ses rues) et la nature (la forêt où se trouve la maison), les racailles et les gothiques, l’homme et la femme, le blanc et le noir, la réalité et la fiction y sont réunis, fusionnent et forment un nouvel être étrange et séduisant, intrigant et étonnant, hybride et hypnotique - conte moderne et apocalyptique où la fiction et l’amour sont des drogues dures qui permettent de tenir.
Le duo de réalisateurs Caroline Poggi et Jonathan Vinel a clairement voulu fuir les clichés et surprendre son spectateur en déconstruisant la psychologie des personnages, en leur concédant une grande liberté malgré le déterminisme de la fin annoncée. La création de leur part de ce jeu vidéo Darknoon et son imbrication progressive, son glissement dans le monde, fictif en soi, de la narration est une idée géniale et extrêmement bien amenée. Les personnages, principalement Apo, s’y abandonnent lascivement, comme une fuite au réel, mais le réel s’y immisce et les deux forment une nouvelle réalité fictive troublante d’une violence fascinante.
L’histoire d’amour ainsi que le triangle formé par Pablo, Apo et Night, aussi tendre et fidèle que sauvage et cruelle, se superpose à merveille au récit du trafic d’exta : il en épouse les formes, s’interpénètre, s’y fond. Certes, certaines invraisemblances peuvent être aperçues (le père absent, la moto tape-à-l’œil jamais suivie par les flics) comme aussi l’absence totale ou presque de monde prosaïque, toutefois la forme du conte les absorbe et concède une licence poétique.
Terriblement troublant.