Ca fait des années que c'est la merde en Syrie, bien avant l'émergence du Califat islamique des cendres de Al Qaida en Irak. Le premier atout de ce documentaire, il est d'abord politique : c'est de rappeler à quel point Daesh s'est développé dans le pays comme une gangrène purulente dans un corps déjà malade, et ceci sans même l'évoquer à une seule reprise. Le film est centré sur les exactions de l'alaouite Bachar al-Assad, et la répression sanglante qui s'est abattue sur les partisans de la révolution. Manifestations pacifiques contre tirs à balles réelles, talonnades dans la gueule, tortures filmées ...
Un terreau sympathique, voire idéal, pour le fondamentalisme sunnite revanchard de l'Etat islamique qui d'Irak s'est rapidement déporté en Syrie, leitmotiv antichiite à la clé, dans les traces de son initiateur, un certain Abou Moussab al Zarqaoui, connu pour ses mises en scènes macabres sur otages occidentaux et ses attentats contre les rafida, et aujourd'hui sanctifié sur la constellation djihad.


Bref, l'Etat islamique, on s'en fout en l'espèce puisqu'il n'apparaît pas dans Eau argentée, sorte de compilation de mille et une images de la révolution syrienne, entre vidéos Youtube et montages à Homs et dans Paris. Tout ceci prend bientôt la forme d'un échange épistolaire documenté entre deux personnages, l'une enseignante kurde étant restée sur place et l'autre, jeune cinéaste syrien, ayant fui à Paris.


Ce qui est très beau dans Eau argentée, c'est cet amour et cette nostalgie de la terre syrienne, au delà de la description quelque peu méthodique, parfois misérabiliste, de la terreur armée. Le documentaire respire au rythme de l'élégie, ressuscite les spectres de la musique kurde traditionnelle. La partition musicale est évidemment des plus importantes, puisqu'elle berce le film de manière lancinante, contrebalance un montage binaire qui oscille entre cruauté et poésie.


Ce n'est donc pas tant dans l'amoncellement de cadavres et la dénonciation des horreurs commises par Bachar que le film trouve sa grâce, Eau argentée n'est pas un documentaire coup de poing comme peut l'être Hearts and Minds (au hasard). C'est davantage un poème de type markerien, qui frustre quelque peu par son côté systématique, mais témoigne d'un certain espoir.


On ne mettra pas le peuple syrien à genoux, plutôt la mort que l'humiliation.

Nwazayte
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le 1 déc. 2015

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