Filme ! Filme !
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Ossama Mohammed est un cinéaste syrien ayant fui à Paris, Wiam Simav Bedirxan est kurde et vit toujours en Syrie. Loin de la violence en chair et en os, le premier tente de raconter les images qui lui viennent de Syrie, et fait entendre des échos du là-bas dans l’ici parisien en filmant des petits bouts d’espace arrachés à leurs totalités signifiantes. Au plus près de la violence en chair et en os, la seconde tente de continuer la vie et de la filmer, là même où certains, subvertissant la formule spinoziste, ne font que « persévérer dans la survie ». Le premier fait de la théorie du cinéma, la tête la plus froide possible, avec l’oeil de l’historien qui regarderait des images d’archives. La seconde a la caméra qui court, qui saute, qui sourit, qui pleure, qui filme souvent la mort, parfois la vie. Caméra située, caméra d’un corps. Nous avons peur pour cette caméra, ce plan, Simav. Si la caméra tombe, l’homme qui la porte tombe.
Et cela arrivera. Se produit alors un phénomène étrange, comme si le regard quittait le corps de Simav. La caméra retournée vers son visage, celle-ci n’est plus Simav mais la regarde. Simav affronte l’oeil de la caméra. Elle semble lui refuser de la regarder de haut, de quitter ce corps. Elle fixe la caméra, de toutes ses forces — comme si elle retenait son regard dans ce corps, refusait ce dédoublement objectivant, contraignait l’oeil de la caméra à continuer à faire un avec son oeil. Simav ne retourne dès lors pas la caméra pour dire adieu à ce corps, mais pour mieux en affirmer la force obstinée de se tenir à tout ce qu’il y a : une vie.
Dans la blessure et le dédoublement du regard, nous aurons vu le regard de grand vivant qui porte cette caméra. Nous repartons alors avec plus de vigueur dans les rues de Homs, avec toute la force du regard de Simav qui s’obstine, avec ces enfants de l’école révolutionnaire, à faire pousser la vie partout où la mort rôde.
Sébastien Barbion
Publié dans Rayon Vert Cinéma, "Les nuits des noctambules", mars 2016.
Créée
le 3 avr. 2016
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