Fut un temps où le nom d'Adrian Lyne était synonyme de thrillers doucereusement sulfureux, à un moment où le sous-genre ravissait une génération de mâles en furie devant l'hypersexualisation du corps féminin. L'Échelle de Jacob est à part, convenons-en. Thriller dingo s'il en est, le film est avant tout l'anomalie dans la carrière du réalisateur, puisque l'essai ne sera jamais transformé. La postérité étant ce qu'elle est, on s'attache à la vue d'ensemble et pas au petit détail étrange sur la toile. Ne restent donc que des intrigues moites pas très fines que Lyne laissa dans le sillage des années 80/90 et tout début 2000 avec le suranné Infidèle(2002). Après une "pause" de 20 ans, le revoilà pour...un énième thriller domestique à tendance bien lascive. Joli coup ? Eaux Profondes tient plutôt de la débandade.
Quarante ans passées à scruter les fantasmes inavouables, ça fatigue au bout d'un moment. Et c'est tout à fait l'effet que produit cette nouvelle incursion, un long-métrage fatigué. Au sens littéral. Pour s'en convaincre, il suffit de regarder Ben Affleck plus éteint que jamais alors que sa compagne se fait bricoler la cliquette. Pendant 15 minutes, on pense qu'il y a un truc. La suite confirme que non, le comédien n'a vraiment aucune envie d'être là. Une symbiose presque idéale avec le spectateur, malmené de scène en scène, s'efforçant de dégager un sens à ce qu'il voit. Peine perdue, plus on cherche, moins on trouve. Eaux Profondes établit une performance que fort peu d'œuvres arrivent à atteindre (ce qui légitime un minimum de sympathie) : l'incohérence la plus totale.
Retenez-bien une chose : RIEN ne va dans l'intrigue. La situation de base est trouble, les enchainements sont continuellement invraisemblables, les comportements au delà de l'illogisme, Ana de Armas change de registre toutes les cinq minutes. Déjà qu'il faut déjà passer outre l'écriture on ne peut plus gênante du personnage de Mélinda, une érotomane patentée qui ne pense qu'à se faire exploser le terrier...La mise en scène aurait pu tourner ces excentricités en piège sadique ? Peut-être. Sauf qu'Adrian Lyne n'a même pas envie de jouer avec la boussole morale ou les certitudes de son public. Vu qu'aucun personnage n'agit avec un semblant de rationalité, l'empathie n'est jamais de mise pour personne. En plus d'être affreusement mal écrit et ringard, ce curieux objet vous rappelle combien 1h55 peuvent paraître longue quand on a rien à se mettre sous la dent.
Et l'érotisme ? Le film aurait déjà été qualifié de prude en 2000, est-il nécessaire d'éventer encore plus le bluff derrière sa promo mensongère ? Bon allez, admettons que voir Ben Affleck s'occuper de ses gastéropodes pendant qu'il imagine sa femme se frotter la péninsule à de quoi troubler les esprits. Puis cette course-poursuite finale qui permet à Eaux Profondes de toucher les abysses du nanar cycliste. Si on est d'humeur taquine, quiconque se fera une joie de recommander le film à ses amis, histoire de leur garantir la plus belle gueule de bois millésime 2022.