Je creuse la veine des mélos flamboyants de Douglas Sirk, vu qu'il y a un cycle à la télé. Et celui-ci, qui est l'un des plus sombres, porte bien la patte du cinéaste allemand exilé à Hollywood. Il ne ménageait guère la société américaine, que pourtant il adorait. Cette fois, il ratisse du côté des riches héritiers de fortunes pour lesquelles ils n'ont pas eu à lever le petit doigt, soutenant visiblement la thèse que l'inaction nourrit un sentiment délétère d'illégitimité. Ses héros privilégiés vivent leur situation comme un handicap et lorgnent éhontément du côté de la classe laborieuse, curieusement élevée au rang de paradigme d'une forme d'innocence étrangère au vice. Un drôle de discours, en somme, porté par des acteurs de renom relégués à des rôles presque secondaires, et donc éclipsés par les personnages ultra-névrosés par qui la damnation arrive. Mention spéciale pour la sœur de l'alcoolique patenté, jouée par Dorothy Malone, qui roule des yeux en donnant de bizarres petits coups de menton, donnant l'impression d'essayer de percer du nez le ballon en plastique rempli d'eau dans lequel elle se noie, les mains attachées dans le dos. Ça lui a quand même valu un Oscar. La construction circulaire et la présence des trois autres acteurs rehaussent notablement l'ensemble, malgré tout et l'histoire n'est pas sans rappeler certaines tragédies grecques où la fatalité frappe des personnages prisonniers de leur naissance.