"Ed Wood" est avant toute chose la rencontre entre deux artistes marginaux qui deviendront chacun à leur façon une légende d'Hollywood. D'un côté, celui qui sera considéré comme le pire réalisateur de tous les temps, éternel optimiste qui ne trouvera jamais le succès. De l'autre, un cinéaste reconnu par ses pairs qui va atteindre ici son plus haut niveau, anticonformiste qui rentrera malheureusement dans le rang quelques temps plus tard.
Montrant Hollywood comme un monde étrange où les rêves peuvent se réaliser mais aussi se briser (voir la triste fin de carrière de Wood et Lugosi), Tim Burton triture les faits historiques, enjolive volontairement la réalité, choisissant la naïveté et l'optimisme, épousant de ce fait le point de vue de son personnage principal.
Loin d'être un biopic classique comme Hollywood en pond à la pelle, "Ed Wood" plonge tête baissée dans l'univers qu'il décrit, superbe hommage aux séries Z de la grande époque, ode à la bricole et aux doux dingues qui sont allés au bout de leurs rêves malgré les tempêtes. Tim Burton en profite également pour livrer une oeuvre personnelle, le parcours du créateur de "Plan 9 from outer space" trouvant une résonance dans celui du papa de "Beetlejuice".
D'une beauté graphique indéniable, profondément émouvant lorsqu'il s'attarde sur la relation entre un cinéaste-fan et sa star (Johnny Depp, parfait, face à un Martin Landau bouleversant), aussi drôle que touchant, aussi décalé que romantique (la réaction aussi succincte que désarmante de Patricia Arquette face à la confidence de Depp), "Ed Wood" est le chant du cygne d'un cinéaste qui ne parviendra plus jamais à atteindre une telle osmose, le tout rythmé par la superbe partition de Howard Shore.