Dancer in the Dark
Le deuxième film de Saeed Roustayi, Just 6.5, curieusement traduit par La Loi de Téhéran, est un thriller social qui contraste autant avec les codes du thriller qu'avec ceux de la plupart des films...
Par
le 24 oct. 2020
8 j'aime
"Eh mec t'es au courant qu'il y a un docu sur Edouard Philippe où il est filmé par un pote qui le suit pendant plus de 10 ans, un peu à la manière des séries sur Orelsan (Montre jamais ça à personne) ou Kanye West (Jeen-Yuhs) ?". Oh putain je veux pas en savoir plus, on fonce !
En réalité la comparaison s'arrête là puisque les approches sont clairement différentes. Laurent Cibien n'est pas tellement le pote d'Edouard. Ce sont plutôt des anciens camarades de classe qui ont pris des chemins de vie distincts. Le générique du début les introduit tous les deux en split-screen et résume brièvement leur parcours avec une forte symbolique et de très jolies trouvailles. Quand l'un enfile sa cravate, l'autre met son passeport dans sa poche, l'un lace ses chaussures de costume quand l'autre enfile ses chaussures de randonnées, on devine aussi qui se cache derrière le journal Libération et celui d'Harakiri mais les compères se retrouvent quand il s'agit de trinquer avec une bière fraîche.
On commence donc à suivre Edouard dans le premier épisode d'une trilogie qui l'amènera au sommet de l'Etat. Il réalise sa première campagne municipale pour être réélu maire du Havre (il avait succédé au maire précédent en cours de mandat). Le biopic se concentre donc entièrement sur la personne d'Edouard Philippe mais le propos de Laurent Cibien, présenté de manière un peu trop universitaire, est de montrer "la fabrique du pouvoir dans la France contemporaine". On ne cessera alors de se demander ce qui est authentique dans ce documentaire et ce qui relève d'avantage de la vision du réalisateur, clairement sur un autre bord politique qu'Edouard Philippe.
Le sujet, bien que subjectif, prend tout son sens au cours du visionnage. On découvre un Edouard Philippe sympathique, blagueur et même à la limite du burlesque. Il semble à l'aise avec tout le monde et on comprend rapidement qu'il joue un jeu. Sa campagne politique apparaît comme une partie de cartes qui ne repose pas sur des idéaux mais bien sur des stratégies de rassemblement et d'influence. Il mobilise toute son énergie et celle de son entourage pour convaincre les Havrais de voter pour lui en serrant un maximum de mains, en disant bonjour à tout le monde et en axant ses discours sur sa personne et sa confiance en soi. Le documentaire nous expose donc la politique comme une vaste blague dictée par des mégalomanes égocentriques. Pas de place pour les sujets de fond ou les valeurs profondes, on est ici dans un jeu de poker-menteur ou les réalités du quotidien semblent évoluer dans un univers parallèle. Il faut élire une personne, pas un programme... Le film prend même parfois des aires de feuilletons TV familial avec le travail sonore de Laurent Cibon qui prend plaisir à nous partager des fragments musicaux, probablement issus de son groupe de rock du collège.
Ce biopic, basée sur une relation intéressante entre le réalisateur et son acteur, est donc un pastiche de la vie politique, absurde et insensée, vécue par le maire du Havre qui "ne répètera jamais assez que la grande marque qu'il laissera" à la ville, c'est l'inscription "liberté, égalité, fraternité" sur le devant de sa mairie... Ecrasé par le poids des symboles, les progrès sociaux semblent la dernière des préoccupations d'Edouard, ce pote de droite qui a tout compris au jeu pervers de la politique.
NB : rectification, les progrès sociaux ne sont sans doute pas la dernière des préoccupations d'Edouard. Il y a aussi sa famille, qu'il ne voit pas pendant 3 semaines et qu'il ne mentionne jamais hormis lors d'une séquence téléphonique dénuée d'émotion. Il a bien assez à s'occuper de lui-même déjà.
Créée
le 11 mars 2022
Critique lue 58 fois
1 j'aime
Du même critique
Le deuxième film de Saeed Roustayi, Just 6.5, curieusement traduit par La Loi de Téhéran, est un thriller social qui contraste autant avec les codes du thriller qu'avec ceux de la plupart des films...
Par
le 24 oct. 2020
8 j'aime
Dinos nous avait habitué à prendre son temps avant de sortir ses albums, mais les choses changent. Le premier, Imany, ne sortira que 2 ans après avoir été annoncé, vient ensuite le sublime Taciturne...
Par
le 2 déc. 2020
7 j'aime
Maes nous avait laissé sur l'un des projets les plus aboutis de l'année 2020 avec son deuxième album Les Derniers Salopards. Troisième album le plus vendu de l'année en France, il a amené l'artiste...
Par
le 28 nov. 2021
6 j'aime