Je connaissais Damiano Damiani essentiellement sous l'angle de ses réalisations politiques des années 70, quadrillant sans pitié la société italienne avec Franco Nero en figure de proue — rien que les titres : Nous sommes tous en liberté provisoire, Comment tuer un juge, ou encore le très bon Confession d'un commissaire de police au procureur de la République. Mais c'est en remontant le cours de sa filmographie qu'un versant complémentaire est apparu, du côté du western 60s, illustrant plus précisément dans El Chuncho un sous-genre particulier, le western spaghetti zapatiste.
Quelque part entre la verve des westerns de Leone et la crasse de ceux de Corbucci, et finalement pas si éloigné de la composante politique de ceux du troisième Sergio, Sollima, Damiani traçait une autre voie. L'immense majorité des films fondateurs des auteurs énumérés sont sortis à la fin des années 1960, et Quién sabe? apporte en 1967 sa pierre à l'édifice en prenant pour cadre l'éternelle révolution mexicaine du début du XXe siècle et en y opposant les figures classiques du bandit, du guérillero, du révolutionnaire, ou encore de l'espion. Si l'on est en capacité de passer au-delà de certaines spécificités et limitations, à l'image de l'ambiance de série B qui flotte sur l'ensemble, du niveau d'interprétation moyen (indice : un personnage secondaire de prêtre barjot est joué par Klaus Kinski), et du sort réservé aux personnages féminins (la fameuse séquence où une femme montrée comme hystérique est remise dans le droit chemin grâce à la baffe salutaire d'un homme), la veine anarchisante portée presque entièrement par Gian Maria Volonté sème quelques pépites sur le chemin.
Des attaques de trains, des armes volées revendues aux révolutionnaires, des massacres, des personnages paillards, l'attrait du magot... On est forcément familier avec tous ces codes du spaghetti. La particularité ici tient principalement à deux choses : le personnage très ambivalent et charismatique de Volonté, et la menace incertaine qui plane autour d'un autre personnage, celui interprété par Lou Castel (plus rigide dans l'interprétation, tu meurs). C'est le jeu derrière le scénario, observer la relation qui s'installe entre les deux, les objectifs secrets mais évidents de l'un et la confiance accordée rapidement par l'autre. Clairement, cette dimension aurait gagné à être affinée, car en l'état le mystère ne tient pas vraiment longtemps concernant les intentions du yankee — en déficit de charisme, qui plus est. C'est aussi une sorte de récit d'apprentissage, puisque le personnage éponyme se construira une éthique et une conscience révolutionnaire au fil de l'intrigue, lui qui partait vraiment de très loin avec sa bêtise, son inculture politique, et sa cupidité chevillée au corps. Sa tirade finale, déclamée après avoir donné une valise pleine d'or et une fois retirées sa veste et sa cravate, retrouvant son esprit révolutionnaire, est sans équivoque : "Don't buy bread with your money! No, hombre! Buy dynamite! Dynamite! Dynamite! Dynamite!".
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