El Clan est frustrant, frustrant car il s'en fallait de peu pour qu'il ne fut parfait, irréprochable, impeccable, insoupçonnable, ce qui rend difficile la tâche de trouver des circonstances atténuantes à ses défauts, si peu nombreux soient-ils.
Qu'est-ce qui a empêché ce film d'être un des meilleurs thrillers-mélodrames contemporains comme l'a certainement voulu son réalisateur ?
Nul besoin d'aller chercher très loin le coupable. Si l'on décroche parfois durant le visionnage, c'est bel et bien la narration qui est à blâmer.
Le film tombe dans le même travers que trop de ses contemporains : il veut raconter l'histoire dans le désordre. D'ordinaire, c'est une astuce d'écriture qui n'apporte rien, ce qui pourrait déjà être constitutif d'une faute. Ici, c'est pire : ça gâche l'intrigue, ce qui est assurément l'un des effets à éviter à tout prix dans un film aussi minutieusement écrit que celui-là.
L'histoire est racontée quasiment dans l'ordre mais entrecoupée de flashforwards qui nous montrent des instants de la journée où tout basculera. Et voilà comment ruiner le suspense ! On sait comment tout cela finira. C'est certainement voulu -après tout, il s'agit de l'adaptation d'un fait divers dont la plupart des spectateurs argentins connaissaient probablement déjà l'issue- mais ça enlève énormément d'intérêt aux événements qu'on nous montre. Comment être investi à cent pour cent dans l'histoire alors qu'on nous montre des bribes de la fin à plusieurs reprises et ce, dès le début ?
En plus, les allers-retours temporels rendent difficile l'intégration du contexte historique, qui parait un peu nébuleux pour un spectateur étranger mais peut-être est-ce simplement parce que le film est avant tout destiné au public de son pays d'origine. Il n'empêche qu'il faut s'accrocher pour comprendre les rôles cumulés de certains personnages, dans un film où beaucoup jouent un double voire un triple jeu.
Pour en finir avec les défauts, on pourrait accuser le film de manquer un peu d'originalité et de nous servir, sous prétexte de nous raconter une atroce histoire vraie, des gimmicks déjà bien connus des histoires de descente aux enfers.
Maintenant qu'on a reproché ça, il est temps d'encenser tout le reste : tout est magistral.
Entre les mouvements de caméra variés (parmi lesquels on trouve des plans-séquences fabuleux qui nous permettent de suivre les scènes d'enlèvement sans en perdre une miette), la photographie qui nous immerge concrètement dans l'ambiance malsaine de cette famille, l'écriture minutieuse, les thèmes musicaux brillamment choisis et bien sûr le jeu irréprochable de l'ensemble du casting (Guillermo Francella est glaçant du début à la fin et crève l'écran durant sa tirade finale), El Clan est un must-see pour tous les spectateurs curieux et que la violence ne rebute pas.
Je ne développerai pas davantage les qualités de ce grand film pour vous conseiller tout simplement de vous jeter dessus, malgré les quelques défauts énoncés précédemment.
Et puis eh ! Un film qui a l'audace de monter une scène de sexe par dessus une scène de torture, ça sort une fois dans une vie.