La balade sauvage
Au bord d’une plage jalonnée par les ombres et tapissée par un coucher de soleil, un groupe de personnes discute, rit de vive voix et s’amuse en promenant leur chien de course. Tout semble apaisé...
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le 6 mars 2017
22 j'aime
2
Quatre prêtres ayant perdu leur sacerdoce suite à des actes criminels, vivent dans une "maison de retraite", mis à l’écart, sans qu'aucun d’eux n'ait été condamné. La Boca, petit village de la côte chilienne aux activités de pêche, semble le refuge idéal pour ces "pêcheurs" en quête de rédemption. D'actes odieux répréhensibles à ceux se limitant à l'illégalité, ils doivent expier leurs fautes, gardés par une soeur également mise à l'écart par les hautes instances. Ils se verront bousculés par l'arrivée d'un cinquième homme et d'un personnage, sorte de vagabond perdu, qui l'aura suivi jusqu'à sa dernière retraite.
On suivra en filigrane, cet homme traumatisé, qui au fil de ses déplacements ne s'adresse que par un débit de paroles crues, choquantes et d'une tristesse insondable, hurlant au vu de tous, s'en prenant à ceux qui l'ont bafoué.
Un suicide...et l'arrivée du père Garcia, psychologue et inspecteur de maisons de repentance, finiront par chambouler la vie morne mais protégée de ce "club". D'autant que ces "isolés" semblent avoir oublié ce pourquoi ils sont là, et s'adonnent dans la bonne humeur à la course de lévriers et...au pêché de l'avarice par leurs gains d'argent !
Il est question pour Larraín de pointer l’hypocrisie de l'Eglise et de ses représentants, couverts par le gouvernement chilien. Les abus de pouvoir par le chantage même au sein de ce "Club". A la fois solidaires et monstrueux, le film s'attache à nous brosser "l'inimaginable", n'hésitant pas à parsemer son récit de quelques touches d'humour (noir) et de phrases assassines, qui renvoient à l'humain et à ses contradictions.
Les exactions commises lors de la dictature de Pinochet (qui est de ses sujets cinématographiques), en croisant la collaboration d'un des prêtres militaire et sa responsabilté dans la mort d'innocents à cette période.
Tout est paradoxe et s'inscrit de fait dans la société telle que nous la connaissons. D'un sujet connu et dérangeant, le metteur en scène propose une narration sans flashback ou autre effet de style facile. Seules les paroles des prêtres interrogés pourront nous éclaircir ou nous perdre. Seul reste le constat, et seules restent leurs paroles. Filmés en grand angle lors de ces discussions avec le père Garcia, de grands moments d'intensité, de manipulation ou encore de perdition, sont saisissants.
Le contraste opère entre cet "inspecteur", homme dur et mystérieux et ces hommes désoeuvrés où plus rien ne semble les atteindre. Mais de fil en aiguille, le metteur en scène nous perd encore dans la description des uns et des autres, où tous sont victimes, complices et criminels. Les retournements de situations nous plongent dans un certain malaise.
Le cinéaste réussi une mise en scène sobre et efficace qui ne perd pas son sujet. Les tons sont définitivement ternes, pluvieux et teintés d'une sorte de brouillard bleuté omniprésent qui appuient le drame, et nous maintient en tension. Avec son rythme lent, pesant et une ambiance glaçante, l'intrigue nous tient en alerte, et nous répugne tout autant qu'elle décrit sans concession les ravages subis et le point de non-retour.
Le metteur en scène connu pour son franc-filmé livre un film brut qui interroge encore et toujours sur la faculté à occulter l'horreur.
L'Eglise n'a-t-elle pas engendrée par ses interdits tous ces comportements criminels ? L'idéologie du sacré prôné par ces hommes de Dieu n'a t-elle pas de limite ? Quels dégâts moraux et humains et qu'en est-il finalement de la responsabilité ?
Les acteurs sont tous excellents, alliant la perversion à l'humanisme et le film arrive à maintenir la distance essentielle à éviter le vulgaire.
Malheureusement, une sombre histoire de vengeance gâchera le final par sa violence gratuite et accessoire.
Mais l'ironie reste encore sur la dernière image, celle d'un groupe en pleine discussion solidaire.
Le cinéaste s'est attaché à une recherche sur ces maisons. Il a rencontré d’anciens prêtres démis de leurs fonctions sacerdotales et leurs témoignages lui ont permis d’établir une documentation assez précise des « lieux de détention » ecclésiastiques bien cachées en territoire chilien.
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le 19 déc. 2016
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