On retrouve le duo Sorogoyen/De la Torre ayant créé une des plus belles surprises cinématographiques de 2017 : Que dios nos perdone. Ici, Antonio joue le rôle principal permettant d’apercevoir toutes les subtilités de son jeu d’acteur, avec flamboyance et intensité, à travers son personnage de politicien influent embarqué dans une affaire sinueuse et complexe.
Pendant toute la durée d’El Reino, la caméra est très souvent positionnée au plus près du personnage afin que le spectateur ressente tout ce qu’il subit et l’énergie dépensée et utilisée dans ses différentes actions pour s’en sortir du mieux possible. Certains plans filmés de dos, en plan séquence, font penser à Elephant donnant un sentiment d’urgence ou de danger imminent à ce que vit le personnage. Cela est renforcé par une bande originale apportant un certain rythme et dynamisme dans les scènes les plus importantes. Mais parfois, elle s’arrête afin de provoquer un sentiment de surprise lorsqu’une révélation est verbalisée par un des personnages ou d’apporter une tension dans certaines scènes. Le suspense est maintenu également par une mise en scène très soignée notamment à travers le choix des cadrages soulignant ce qui est important à l’intrigue.
Bien que s’ouvrant sur un plan panoramique d’une plage déserte donnant une impression contemplative d’apaisement et de sérénité, la caméra s’intéressera rapidement à son personnage principal pour ne plus le quitter jusqu’au plan final. Cela dépeint le bonheur de la situation de ce que vit Manuel Lopez-Vidal (Antonio De la Torre) au début. Ensuite, l’image va évoluer vers des teintes de plus en plus sombres surtout dans le derniers tiers donnant un aspect tragique et irrémédiable à cette ascension politique où aucune personne est épargnée.
Le fait de ne jamais citer un parti en particulier permet de globaliser un système, quelque soit l’orientation politique, dont les ramifications dépassent les frontières ibériques : cela donne une force supplémentaire aux propos du film. Je trouve la fin intéressante parce qu'elle suscite automatiquement une réaction du public car les problématiques soulevées ne peuvent être résolue par le seul peuple espagnol d'où l'utilisation du quatrième mur permettant à chaque spectateur, quelque soit sa nationalité, de s'interroger. Se limiter à ce qui se passe en Espagne, en regardant ce film, est réducteur. Le réalisateur et scénariste Rodrigo Sorogoyen a voulu partager sa colère et sa fureur ressenties à travers les situations décrites dans le film provocant une réaction plus ou moins vive sur le public. De ce côté-là, c’est une réussite au regard de ce que j’ai pu lire ou entendre.
El Reino est une plongée vraiment passionnante dans les entrailles d’un système politique bien huilé où certaines faiblesses ou défauts sont exploités à l’extrême. Il n’a pas volé ses 7 Goyas 2019 et son prix de la Critique au Festival Policier de Beaune 2019. Ainsi, vous comprendrez la raison pour laquelle je lui ai donné la place de meilleur film 2019, pour le moment !!! (Je sais l’année n’est pas encore finie^^)