Manuel López-Vidal est un homme politique influent, dans sa région en Espagne. Il se retrouve impliqué dans une affaire de corruption qui en fait rapidement un bouc émissaire. Pris au piège et lâché par les siens, il cherche à échapper à un engrenage infernal.
El Reino est un thriller politique espagnol de Rodrigo Sorogoyen (Que Dios Nos Perdones…) de 2019.
Le film raconte comment un notable promis à une belle ascension politique se retrouve empêtré dans une affaire de pots de vins qui fait de lui le lampiste d’un système illégal qui bénéficie aux cadres de son parti politique comme à l’ensemble du système.
Attention, cette critique risque de vous spoiler.
Bouc émissaire
El Reino montre le peu de scrupules des partis politiques prompts à empocher des pots de vins ou à détourner des subventions dans le cadre de leurs relations avec leurs partenaires privés ou dans le cadre de travaux publics. Le parti pris du réalisateur est celui d'éviter tout manichéisme, le héros ou plutôt l'anti héros de cette fiction n'étant pas lui même un personnage très recommandable.
Lorsque le système est en danger, l’organisation décide de faire trinquer un des cadres responsables, suffisamment représentatif du système pour que cela soit crédible. Dans cette fiction, le "dindon de la farce" est Manuel Lopez-Vidal, un homme du sérail promis à un brillant avenir mais qui n’a pas que des amis.
Tous pourris
Pas de chance pour les commanditaires qui ont lâché l’un des leurs, Manuel prend rapidement conscience qu’il va servir d’exemple. Les cadres du parti ayant décidé de le lâcher, il va organiser sa contre-attaque, quitte à mettre en péril tout le système politique espagnol.
El reino est un thriller politique efficace. La première partie du film montre un héros sûr de lui, sorte d’homme pressé, qui se retrouve dans la nasse de la justice. La réalisation est alerte, laissant le spectateur dans le flou, l’éclairant suffisamment pour qu’il comprenne que les protagonistes qui se tapent dans le dos en rigolant, l’air entendu, ne sont pas « blanc bleu». La seconde moitié du film fait évoluer le scénario vers le thriller noir réaliste. Manuel y rassemble des preuves d’un système atteint par un cancer largement métastasé. Manuel a décidé de ne pas plonger seul, serait ce au péril de sa vie…
L’homme est un loup pour l’homme
La mise en abyme d’El Reino fait froid dans le dos. Le film renvoie l’image d’un monde où les politiques et le milieu des affaires sont inextricablement liés avec à la clef des détournements d’argent public. Dans cet univers, tout le monde se tient.
Lorsque cet ordre est remis en cause, celui qui veut renverser le système devient l’ennemi à abattre, quitte à le faire éliminer physiquement. Cette fiction rappelle bien entendu un grand nombre d’affaires ayant vu se croiser les intérêts du monde des affaires et des politiques. On nous expliquait à l’époque qu’il fallait bien que les partis politiques trouvent de l’argent quelque part pour financer leurs activités...
Le film doit beaucoup à la performance d’Antonio de la Torre (Companeros, Que Dios Nos Perdones…), véritable « Monsieur 100 000 volts » qui devra souvent forcer des portes et risquera sa vie. Le film se termine lors d’une émission télévisée où Manuel doit faire des révélations dans une émission très suivie, présentée par une journaliste en vogue, Amaia. L’émission dégénère rapidement en « duel » entre Manuel et la journaliste, chargée par la production de discréditer l’invité devenu trop nuisible pour l’ensemble du système.
Symptomatique d’une société gangrenée, les dernières secondes de cette séquence finale, remplie d’une tension palpable, clôture une fable politique terriblement désenchantée et pessimiste.
Ma note : 8/10