El Topo c'est le film du trop : trop de discours redondants, trop de bonnes intentions, trop de stylisations non efficientes, trop de dialogues niaiseux (les échanges entre El Topo et les 4 maîtres par ex.), trop de postures parfois creuses, trop de morale judéo-chrétienne qui plombe les ambitions universalites du propos, trop de caricatures manquées, trop de voix off, trop de lignes droites dans la narration (et des élipses totalement foirées), trop de métaphores à 2 balles (les oisillons lâchés par Mara, le fruit de cactus saphisé par la cavalière au lasso, les lapins qui meurent à l'approche du mal...)
El topo c'est aussi le film du pas assez : pas assez de justesse dans les détails visuels et narratifs, pas assez de recul sur son sujet, pas assez d'argent pour un métrage de 2h, pas assez d'exigence sur la mise en scène et la réalisation, pas assez de rythme, pas assez de souffle et d'énergie, pas assez de doute sur son propre sujet pour le distiller plus sobrement, pas assez d'humilité, pas assez de poésie et de lâcher prise...
Mais El Topo c'est aussi mathématiquement trop de Jodorowski : Jodorowski tenant la plume, Jodorowski derrière la caméra, Jodorowski tissant les costumes, Jodorowski à la composition musicale, Jodorowski montant les décors, Jodorowski devant la caméra et enfin Jodorowski à la production. Ce n'est plus du film d'auteur, c'est la voie la plus sûre pour faire de cet art collaboratif une voie/voix à sens unique (c'est à dire sans recul). Se faisant, il tombe dans l'écueil du film égotique qui finit par faire suspecter (à tort probablement) que El topo est un projet d'auto-icônisation. S'il ne l'est pas formellement, il est, tout du moins, un film tellement personnel à son auteur, qu'il aurait peut être eu vocation à le rester.
Au final, il reste une oeuvre dont la BO souligne malencontreusement les défauts, une oeuvre au rythme irrégulièrement saccadé et enfin une oeuvre assommée par sa propre ambition. Il reste une esthétique à l'homogénéité discutable qui s'amenuise cruellement sur la seconde partie du film rendant le tout bancal et parfois à la limite de la parodie. Le burlesque visuel qu'on espère et qu'on attend tout du long n'atteint jamais le niveau que le script pouvait laisser entrevoir sur le papier.
Jodorowski fait du cinéma certainement comme il vit sa vie, en homme curieux et en artiste boulimique. C'est louable et j'adorerai connaître l'artiste. Mais ce El Topo qui abandonne l'enfant qui est en lui, qui se fait duper par sa propre part féminine et dont la dernière bouffée de sainteté finit par causer la mort de ceux qu'il prétend libérer, ce El Topo là (dont l'histoire sur le papier me parait si exaltante car il se trompera toute sa vie durant) n'a pas réussi à nourrir mon âme pourtant bien capable de tous les appétits cinéphiliques... ou presque !