Elefante Blanco nous narre le sacerdoce de deux prêtres dans un bidonville de Buenos Aires, où globalement la maxime "aimez-vous les uns les autres (bordel de merde)" rentre par une oreille pour sortir par l'autre. Un lieu où la main de Dieu n'a pas été vue depuis qu'elle a eu le bon goût d'emmerder les anglais en 1986. Bref on pige d'emblée : l'exercice de la fonction sera moins guilleret que dans Mon curé chez les nudistes.
On retrouve la veine sociale forte du cinéma de Pablo Trapero, cette volonté de prendre le pouls de son pays sans se mettre la main devant les yeux. Son talent pour y plonger des personnages attachants aussi, en l'occurrence cette poignée de bonnes âmes, croyantes ou non, qui essaient d'améliorer le quartier avec un champ d'action qui tient du robot multi-fonctions ou du shampooing 3 en 1.
Le souci c'est qu'il manque un fil narratif puissant pour guider tout ça, là où Carancho attaquait son sujet avec précision. Plusieurs thèmes sont esquissés : les doutes existentiels des deux prêtres, le trafic de drogue et ses violences, les difficultés de rénovation du quartier... Il aurait fallu je pense en privilégier un qui serve de colonne vertébrale au récit. Au lieu de ça, on obtient un aspect documentaire exhaustif qui veut aborder tous les maux de l'Argentine défavorisée. Intention louable mais qui se heurte au timing limité du cinéma, d'autant plus que Trapero aime faire respirer les scènes, les dialogues, les plans.
Son style habituel est là, notamment ses travellings immersifs, et ça c'est une très bonne nouvelle. Surtout que ce quartier labyrinthique est un terrain de jeu parfait pour une caméra mouvante : les voies du seigneur sont impénétrables, celles du barrio sont un beau bordel ! Tout ça sans être au détriment des personnages, qui existent bel et bien à travers des instants de rires, d'entraide ou de doute croqués habilement.
J'ai apprécié aussi le traitement de la religion, abordée sans manichéisme. Elle apaise autant qu'elle frustre, on la loue comme on la dénigre, on s'en rapproche ou on s'en détourne. Elle est personnifiée par ces prêtres à la générosité désintéressée, sans prosélythisme, mais aussi par un pouvoir clérical rendu amorphe par ses privilèges. Le film est tout sauf dogmatique à ce sujet.
Il y avait donc des éléments pour une belle oeuvre, mais une fois posés les jalons de l'histoire on finit par se demander où tout ça va précisément nous mener, et on attend la réponse un peu en vain. Le tout avance sans immense surprise, pour se conclure d'une manière à mon sens mal conçue.