La confirmation du talent de Lynch dans un cadre plus conventionnel

A sa sortie, "Elephant Man" m'avait un petit peu déçu, après le chaos surréaliste saisissant de "Eraserhead" : parfois à la limite du mélodrame larmoyant, le film bénéficiait toutefois d'une imagerie extraordinaire (quelle reconstitution de l'Angleterre victorienne !), et irradiait ça et là une force quasi métaphysique, qui confirmait bien le talent de David Lynch, dans un cadre plus conventionnel. La très belle version publiée en DVD restitue sa splendeur à ce film de commande, terriblement somptueux et ambigu, qui frôle le chef d’œuvre (frôle seulement, du fait de quelques scènes un peu trop sentimentales). Les extraordinaires images mentales et le traitement impressionnant - à la fois musical et abstrait - de la bande-son témoignent le plus clairement de la signature de Lynch, mais, avec un peu d'attention, il n'est guère difficile de voir que, derrière les belles images en Noir et Blanc, derrière le discours pour la tolérance, tous les cauchemars de "Eraserhead" sont encore tapis et grondent. En jouant avec notre désir et notre crainte à la fois de voir le visage et le corps horribles de John Merrick, Lynch gangrène son film le plus "populaire" d'une paranoïa grinçante : si "l'essentiel est invisible pour les yeux", cela n'a clairement rien de rassurant. A noter aussi une grande interprétation de John Hurt, même si sa voix en a irrité plus d'un... [Critique écrite en 1981 et en 2002]

Créée

le 9 janv. 2017

Critique lue 399 fois

19 j'aime

Eric BBYoda

Écrit par

Critique lue 399 fois

19

D'autres avis sur Elephant Man

Elephant Man
Gothic
9

Là Merrick, là Merrick, je veux l'avoir et je l'aurai !

[LEGERS SPOILS] Joe Dassin était-il un visionnaire, ou bien David Lynch s'est-il tout simplement inspiré de cette fameuse chanson de 1970 au moment de tourner le film Elephant Man ? En lisant ce qui...

le 16 oct. 2013

168 j'aime

32

Elephant Man
Prodigy
9

Critique de Elephant Man par Prodigy

Le film que je n'ose pas revoir tellement il me file le cafard, tellement c'est atroce de bout en bout, et tellement la fin me ruine la gueule dès que je la sens arriver. J'ai la larmichette dès les...

le 12 nov. 2010

147 j'aime

8

Elephant Man
Sergent_Pepper
8

« I have to rely on my imagination for what I can’t actually see »

Lynch est-il capable de classicisme ? Par son sujet (la différence et la tolérance), par son registre (pathétique et humaniste) et par son traitement (un classieux noir et blanc en 1980), Elephant...

le 16 juil. 2014

132 j'aime

8

Du même critique

Les Misérables
EricDebarnot
7

Lâcheté et mensonges

Ce commentaire n'a pas pour ambition de juger des qualités cinématographiques du film de Ladj Ly, qui sont loin d'être négligeables : même si l'on peut tiquer devant un certain goût pour le...

le 29 nov. 2019

205 j'aime

152

1917
EricDebarnot
5

Le travelling de Kapo (slight return), et autres considérations...

Il y a longtemps que les questions morales liées à la pratique de l'Art Cinématographique, chères à Bazin ou à Rivette, ont été passées par pertes et profits par l'industrie du divertissement qui...

le 15 janv. 2020

191 j'aime

115

Je veux juste en finir
EricDebarnot
9

Scènes de la Vie Familiale

Cette chronique est basée sur ma propre interprétation du film de Charlie Kaufman, il est recommandé de ne pas la lire avant d'avoir vu le film, pour laisser à votre imagination et votre logique la...

le 15 sept. 2020

190 j'aime

25