Petits secrets de la bourgeoisie

En abordant cette critique j'avais vraiment eu du mal à savoir par où commencer... J'avais tellement à dire sur le film que je n'arrivais pas à structurer mes idées. Bref... Commençons... "Elle" démarre brutalement, par une scène de viol. Michèle, la victime, est une quadragénaire moderne dirigeante d'une boîte de jeux vidéos. Autour d'elle tourne tout un microcosme, un fils, un ex mari, une meilleure amie, un amant, une mère, un couple de voisin, une belle fille, des employés,... Une faune de personnages, et de suspects potentiels, que Michèle apprivoise à sa façon. Soyons direct, j'ai adoré ce film! C'est même, pour moi, un des meilleurs films de Verhoeven.
Le hollandais a connu une carrière assez atypique. Après avoir réalisé dans son pays des films ultras violents et engagés (comme Soldaat van Oranje), il est parti au Etats-Unis réaliser des blockbusters mélangeants brutalités et politiques (Robocop ou Starship Troopers) avant de revenir en Europe pour retrouver un cinéma plus sage et plus mature (Black Book). Mais plus sage il faut le dire vite, car "Elle" est un film ouvertement sexuel. Chaque personnages semblent contrôlés par son instinct primaire et par ses désirs sexuels. Le monde d'"Elle" semble quasi absent d'amour. Ou plutôt l'amour semble absent du sexe. Le personnage de Michèle a besoin de sexe et d'amour. Mais réunir les deux ne semblent pas être une option pour elle. Ceux qu'elle aime, elle ne les touches pas. Ceux qu'elle touche elle ne les aimes pas.
L'on retrouve dans ces personnages cette bourgeoisie fatigué de tout. Celle qui semble se chercher un but, une façon de s'accepter en tant qu'humain. Bien au delà de l'aspect thriller (au demeurant très réussi) c'est surtout ce portrait d'adultes qui intéresse Verhoeven. Bien qu'ils tentent de s'affirmer au travers de l'image qu'ils veulent transmettre au sein de la société, c'est toujours via leurs instincts primaires qu'ils s'affranchissent. La paternité touche à la violence, le romantisme au narcissisme, l'amour à la soumission, le dégoût à l'orgasme... Tout au long de ce vrai suspense ce cache une étude de meurs des plus subtile. Nous aimerions détester tout ces personnages, mais nous les acceptons (comme ils s'acceptent entre eux). Pire nous finissons par les aimer car finalement ils nous ressemblent tellement. Ils sont guidés par leurs faiblesses en tentant de préserver une image de netteté. Le personnage de Michèle (de par son passé) semble être la seule a comprendre (et à accepter) l'hypocrisie de la chose.
Quelle autre actrice qu'Isabelle Huppert aurait pu accepter un tel rôle? Malheureusement pas grand monde dans un cinéma français très prude. Sa prestation est grandiose, et comme chaque fois elle semble prouver qu'elle est le plus grands joyeux du cinéma hexagonal. Aucune actrice n'a pris autant de risque dans sa carrière (La Pianiste, Ma Mère,...) et ne se met à se point à nue (au propre comme au figuré) dans ces interprétations. Toute la distribution est d'ailleurs remarquable. Même Laurent Lafitte est convaincant c'est dire! Mais c'est véritablement à Verhoeven que je tire mon chapeau, le film est un modèle d'écriture, de réalisation, de montage... Tout semble tellement simple mais est à la fois tellement parfais. Je n'ai jamais caché mon amour pour le cinéma contemplatif et j'ai toujours accordé plus de points au sens des images que du récit. Mais Verhoeven a réussi, avec un film purement narratif, a me fasciner, m'emporter et m'enivrer pendant les deux heures d'un des thrillers les plus intelligents de ces dernières années!


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le 5 janv. 2017

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