Va, ma fille, et continue à pécher ! Car dans le Ciel, tu es déjà pardonnée !
Oh, mes frères, mes très chers frères !
Ne vous laissez pas abuser par l'apparence excentrique et, à vrai dire, rebutante de ce qui n'est pas la suite d'Elle boit pas, elle fume pas, elle drague pas, mais… elle cause !, car on en est bien loin !
Pourtant, quoique mal maîtrisée, voici une belle nouvelle mômerie du môme Mimich !
Au commencement était le pouvoir des fleurs.
En l'an 1972 après la première venue de Celui-dont-on-ne-doit-prononcer-le-nom-parce que-nous-sommes-en-République, La Princesse, ainsi auto-proclamée, règne sur un camp de pillards de grand chemin sédentarisés à l'allure de forains ne proposant plus qu'une attraction, mortelle !, à laquelle un certain Rudolf Hess n'aurait pas dit non. Et il en défile du cave dans ce manège, faisant bien involontairement don de tout ce qu'il possède ! Au fond, La Princesse, c'est une bienfaisante incomprise, une Abbesse Pierrette refoulée. Une sainte quoi ! Mais à la gâchette sensible.
Comme tous les saints hommes, cette jeune femme est persécutée par les représentants de l'ordre en place, qui en perdent leur latin. Les centurions, un commissaire efféminé et un commissaire du genre expéditif, tombent sous son charme mais persistent à jouer à Bip-Bip et le Coyote avec elle. Les légionnaires pouffent, comparent: ça leur fait prendre l'air. Y'a pas d'sots passe-temps.
Arrive qu'un jour, un représentant du culte inculte - qui, ignorant le latin, traduit le Radix malorum cupiditas est par Fais de l'argent, mon fils, et rien pour le fisc - passe commande d'une momie de Jésus Christ, contre-façon s'entend. La Princesse se met en chasse avec toute sa suite de scélérats et de traîne-opinels et tombe sur le cobaye idéal. Mais il y a deux os: primo, le Commissaire rageux l'ausculte à la caméra de sécurité et au barbelé; secundo, l'imitation s'avère plus authentique que prévu !
Jésus revient, mes chers amis, parmi les pécheurs, pour leur porter la bonne parole hippie et flower power: faites l'amour comme naguère !
Faut-il crucifier l'enfant du Bon Dieu qui joue les canards sauvages ?
Celui qui lui jettera la première pierre ferait sans doute mieux de balayer devant sa porte, de vérifier s'il n'a pas de poutre à l'oeil et autres sermons éculés du genre.
Car, en vérité, je vous le dis, Elle cause plus, elle flingue n'est pas mauvais !
Nanti d'une distribution choisie, allant du panthéon audiardesque (Annie Girardot, Bernard Blier, André Pousse, Jean Carmet, Yves Barsacq, Dominique Zardi & Henri Attal, Maurice Biraud) à quelques grands noms de la comédie française comme Michel Galabru (en cardinal véreux) ou Darry Cowl (en commissaire "con"), du doublage comme Roger Carel (en oncle sam archicaricatural) ou encore d'une étoile montante de la télévision et de la radiophonie d'alors, j'ai nommé Daniel Prevost, qu'attend de pied ferme Le Petit Rapporteur, l'opus non-dei compte quelques belles saillies où Audiard tarantine, un univers fantasque que ne bouderaient ni Tim Burton ni Jean-Pierre Jeunet, et une Annie, mafieuse très spéciale, en pleine forme, élégante et sexy quand elle vire au noir Capone.
Mais aussi, certes, en vérité, je vous le concède, l'Évangile selon Michel Audiard bégaye, se fait en chapitres pas toujours cohérents (mais il y a voix), semble un canevas de plusieurs lancées qui trouvent enfin la bonne et s'y adonne comme Annie se donne à son beatnik béni. Un moteur à ratées qui se lance tard. D'où l'effet pétard. Une résurgence de la ratée de science-fiction quand la piste christique devait l'effacer, avec tous les péchés du film. Un déluge de second souffle qui peine à accoucher d'un monde nouveau. On aime, on aime pas: on compose, me direz-vous ! Je vous répondrai: hélas, mon cher monsieur, chère Madaaaame, ici, à vouloir tout tout de suite, on s'indispose, on décompose et quand vient le grand air, d'aucuns seront partis prétextant, assez justement, que cela sent le renfermé, le périmé, le glauque et le bizarre.
Avis donc, amis de la bizarrerie, mes frères, venez festoyer au très (trop ?) humble repas du Seigneur !
Pour les autres, mécréants, profanes mais raisonnables, je crois, sans ajouter un jeu de mots de plus, que la messe est dite !
À peine !