"Votre dévouée Elvira, celle dont vous admirez la pleine forme et les formes pleines"
J'avais parcouru il y a quelques jours l'article de Wikipedia sur les Midnight movies (faudra que je voie le documentaire du même nom, ce sera mieux), j'y ai découvert ce qu'était en réalité USA up all night à propos duquel j'avais déjà lu quelque chose, et j'ai vu aussi que Movie macabre, l'émission d'Elvira, était citée. Tout d'un coup j'ai fortement regretté de ne pas avoir été américain à cette époque pour grandir en voyant de pareilles choses à la télévision. Il semblerait d'ailleurs que pas mal de gens que j'apprécie aient été nourris à ces émissions, je sais que c'est le cas de Tim Seeley, l'auteur de Hack/slash, en tout cas. En France on n'a pas eu d'équivalent, quoique j'ai lu à propos d'une certaine "Sangria", qui passait sur La cinq, et un peu comme Elvira il y a eu une collection de VHS avec son nom apposé dessus, j'en ai même une, alors que je ne savais pas qui c'était au départ, mais je n'ai jamais regardé et je n'ai pas pu trouver beaucoup de traces de cette émission. C'est tellement dommage, j'aurais tant aimé regarder des bizarreries à la TV à minuit dès le plus jeune âge, je serais sûrement devenu plus vite celui que je suis aujourd'hui.
Elvira par contre, c'est une telle légende, que même sans avoir bénéficié de son émission dans ce pays, on sait qui c'est. J'admirais ce qu'elle avait fait avec son émission sans même en avoir eu aucune. Heureusement que dorénavant il y a Youtube, et j'ai vu il y quelques jours des intros de "Movie macabre", puisque des épisodes complets sont visibles en ligne.
Si je me suis penché là-dessus, c'est que cet article sur les Midnight movies m'a tellement donné envie de connaître ça, au moins avoir un aperçu de ce à quoi ça ressemblait.
Et tout d'un coup je n'en pouvais plus, je ne pouvais plus supporter de ne même pas avoir vu le premier film d'Elvira, alors que j'aurais dû, que je voulais, le faire depuis longtemps.
A défaut de voir son émission, ce film me paraissait être un bon substitut. Il est sorti en France (mais pas en DVD, contrairement au second), et rien que ça prouve la notoriété de la maîtresse des ténèbres, alors qu'on aurait pu s'attendre à ce que les distributeurs fassent l'impasse sur un spin-off d'une émission dont on n'avait jamais vu la couleur sur le PAF.
Même si la VO est, du coup, plus facile à trouver que la VF disponible uniquement en VHS, j'ai opté pour le doublage, ce qui est une exception pour moi de nos jours, mais le film me paraissait approprié pour ça.
Pourquoi aimer Elvira, et pourquoi est-elle si populaire ? Ne le nions pas, le premier élément est bien évidemment sa poitrine, qu'elle met bien en valeur par son décolleté dément. Enfin si pour certains c'est le seul intérêt, il y a aussi dans ce personnage joué par Cassandra Peterson un mélange qui ne peut que plaire aux personnes comme moi : celui d'une femme plantureuse au look gothique avec l'amour des films de série Z.
Ce qui est encore plus génial c'est que la comédienne est réellement fan de Vincent Price, Roger Corman, ses films favoris sont Plan 9 et L'attaque des tomates tueuses, et apparemment elle a elle-même eu l'idée de créer ce personnage fort attirant.
Dans les commentaires youtube que j'ai vus, quelqu'un a fait une remarque pertinente : les commentaires pour la plupart parlent des seins d'Elvira plutôt que du film présenté.
Même si il n'y avait pas ce site de vidéo à l'époque, je suis sûr que les jeunes devant leur TV n'en pensaient pas moins un peu tous à la même chose. Et Cassandra Peterson en est consciente, aussi bien depuis le départ pour son émission avec son costume osé, que pour son film où elle s'affiche largement.
Un des commentaires était "they should do a movie about her boobs". Bah une partie de Elvira maîtresse des ténèbres, c'est ça : Elvira qui lave sa vitre de voiture en plaquant sa poitrine dessus, Elvira qui se penche en avant pour nettoyer le sol et qui, du coup, attire un peu tous les jeunes du quartier, Elvira qui casse une chaîne en appuyant contre la porte qu'elles retiennent avec ses seins, ... évidemment elle a conscience du pouvoir de son physique, mais elle le met en avant avec une bonne dose de dérision, rendant comique chaque occasion de montrer ses formes.
Les poitrines ont quand même une réelle importance dans le film, il y a comme une sorte de compétition à un moment entre Elvira et une femme du coin, comme si c'était en fonction du bonnet uniquement que l'on jugeait chacune de ces deux personnes. Evidemment la gagnante est l'héroïne, alors que sa concurrente est démasquée : ses seins sont moins gros, et elle portait un wonderbra, preuve qu'aux yeux de tous, même ceux de cette femme, ce sont les boobies qui importent vraiment. Les gens la regardent bizarrement après ça, en voyant comme sa poitrine est plate, déjà qu'on dirait qu'on nous dit que le fait qu'elle ait de petits seins fait d'elle immédiatement la perdante dans sa lutte contre Elvira, qui veut s'accaparer le même homme. On ne sait pas vraiment si c'est parce que la perdante a menti tout ce temps en faisant croire qu'elle avait des seins plus gros qu'elle doit avoir honte et est vue de travers par les autres. Il y a de quoi se poser la question, et c'est assez bizarre de ce côté là.
Au même titre que le happy end où tout le monde se plie devant les valeurs discutables apportées par Elvira, ça apporte un peu une morale troublée dans ce film dont autrement ce ne sont nullement les préoccupations et qui est un pur divertissement.
Tout tourne autour d'Elvira, ce personnage qu'on apprécie déjà et dont le caractère atypique, qu'on pouvait imaginer à travers ses apparitions dans son émission, laisse à penser qu'elle peut se retrouver dans de drôles de situations au quotidien.
Au départ il y a une caricature concernant son émission, et le studio de télévision. La carte météo qui tombe sur la tête d'Elvira alors qu'elle vient juste de finir son show donne déjà une idée de l'humour ridicule et exagéré auquel il faut s'attendre.
Rapidement l'héroïne nous apprend vouloir faire son show à Vegas, et quitter son émission, en ayant marre des films de merde. Evidemment là pour Cassandra ce n'est qu'un rôle, et même en ne pensant qu'au personnage, on se dit bien qu'Elvira parle sous la colère, ces films de merde elle les aime comme nous, et la preuve c'est que plus tard elle prend plaisir à commenter L'attaque des tomates tueuses en public et elle finit de regarder un vieux film à la télévision alors même que la scène précédente laissait penser qu'elle allait se jeter sur Bob, le type du coin qu'elle veut draguer. En fait elle le fait une fois que, visiblement, tous deux aient regardé le film... C'est étrange en effet, une femme comme Elvira agit donc comme un movie geek si passionné qu'il laisse un peu de côté les relations humaines ?
Cette ellipse entre le "allez vous coucher les enfants", sous-entendant "laissez moi avec Bob", et la scène où ils regardent la TV, est d'autant plus inattendue qu'Elvira s'affiche où qu'elle aille, tease n'importe qui, fout la merde partout où elle passe en rendant les femmes jalouses ou les hommes fous d'envie.
Cependant elle repousse ceux qui s'approchent de trop près d'elle, et n'accepte à ses côtés que le bel homme qui la sauve de deux dragueurs.
Ce qui témoigne encore de la dualité d'Elvira, c'est qu'elle se retrouve comme une petite fille devant lui, et l'actrice ridiculise son personnage quand celle-ci veut embrasser Bob, elle est en position d'infériorité, alors même qu'auparavant elle s'imposait en femme forte qui n'hésite pas à verser de la bière sur le pantalon de ceux qu'elle ne veut pas auprès d'elle, ou leur faire croire qu'elle les poignarde, avec un faux couteau.
Il y a tout de même une inversion des rôles, par rapports à ceux habituels dans les films d'horreur : la femme domine, et l'homme baraqué la suit. C'est Elvira qui ouvre en premier la porte de cet inquiétant grenier, et Bob qui rentre après elle. C'est marrant à remarquer.
Ce ne pourrait être le cas dans n'importe quel film, mais là c'est Elvira l'héroïne, c'est bel et bien [b]son[/b] film, il lui est dédié.
Et le personnage est génial. Passons sur son physique, je n'ai pas de commentaires à faire là-dessus. Elvira est pleine d'énergie, de folie, de réparties détonantes, de répliques hilarantes, et de blagues tellement nazes qu'elles marchent.
Bien que j'aie regardé en VF, le jeu de Cassandra Peterson se voit tout de même au travers du doublage ; il y a ces petits moments où on remarque qu'elle est vraiment superbe : ce petit jeu de jambe qu'elle fait chez le notaire, et le clin d'oeil ensuite, adressé aux gens à côté d'elle, c'est rien du tout mais j'ai adoré.
Le seul moment que j'ai moins aimé avec Elvira, c'est quand elle fait son égoïste, en faisant semblant de pleurer et de vouloir se suicider. Certes, à ce moment là le film parodie ces discours touchants qu'on peut voir parfois au cinéma, mais Elvira veut apitoyer ses nouveaux amis pour qu'ils désobéissent à leur principal, au risque de se faire expulser, et aillent la voir au cinéma, ce qui lui permettra ainsi de gagner l'argent dont elle a besoin.
Enfin peu importe, cette scène fait partie de l'optique grotesque de tout le film, le problème c'est les enjeux qui vont de pair avec ce passage en question.
Et après tout, à la fin, nous avons droit à un numéro musical très réjouissant où Elvira chante et danse, qui m'a fait apprécier un peu plus le personnage et le film.
L'humour est le point fort du film, et l'histoire quant à elle passe au second plan, on s'en occupe parfois, quand on peut. Il y a un début de parodie de maison hantée, ce qui ne mène à rien plus tard. Ce n'est qu'après la moitié du long-métrage qu'on découvre où il va vraiment déboucher, quand on apprend qu'un des méchants autochtones se livre en fait à des rites maléfiques.
Elvira maîtresse des ténèbres fait un peu hommage aux films bis, quoiqu'il y avait moins de références que je ne le pensais : quelques extraits de films, et des pastiches de Carrie et Flashdance ; néanmoins ce film n'est pas comme ceux auxquels il se réfère, bien que son scénario soit effectivement très léger.
En fait, il y a aussi quelques erreurs, comme quand on est troublé et perdu un instant dans l'espace, lorsqu'Elvira regarde un tableau, à cause d'un irrespect de la règle des 180°. Il y a aussi une erreur de continuité flagrante quand elle ouvre sa fenêtre, devant un rebord où sont accrochés un trio de jeunes hommes, et quand elle la referme, elle écrase les mains de cette bande de voyeurs... c'est pas logique.
Et pourtant je n'en tiens pas rigueur à "Elvira, maîtresse des ténèbres".
L'humour est débile mais m'a fortement amusé, je me suis bien fait plaisir avec ce film, je ne demande rien de plus. Et je pense que je vais vraiment devenir fan de Cassandra Peterson.