Killing Zem softly
Cela fait plaisir de revoir Florent-Emilio Siri aux manettes d'un film d'action. Pensez-donc, cela fait plus de vingt ans qu'il nous a livré le formidable Nid de Guêpes, et à peine moins longtemps...
le 17 juil. 2024
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Après un premier film passé relativement inaperçu, Une Minute de Silence (1998), Florent-Emilio Siri se fait remarquer avec Nid de Guêpes (2002), petit uppercut pour bon nombre d’amateurs de cinéma d’action lorgnant clairement du côté de Assaut de John Carpenter. Il ne faut pas attendre longtemps pour que les sirènes de Hollywood l’appellent et il met en boite trois ans plus tard Otage (2005) avec Bruce Willis, une grosse série B d’action assez efficace mais qui ne marquera pas les esprits. Retour en France en 2007 avec la réussite L’Ennemi Intime (2007) puis par la suite Cloclo (2012), le biopic sur Claude François qui sera un gros succès critique et public. Après un projet avorté de remake de La Balance (1982) de Bob Swaim, il succombe à la mode de la comédie française grand public avec Pension Complète (2015) qui sera un four au box-office. Florent-Emilio Siri disparait des salles de cinéma pour se concentrer sur la série Marseille (2016-2018) qu’il cocréé avec Dan Frank pour Netflix et sur laquelle il réalise 9 épisodes sur 2 saisons. Bien qu’appréciée par le public, la série se fait démonter par la presse et Siri ne fait plus rien jusqu’en 2024 où il revient à ses premiers amours, le film d’action, avec Elias, un film parfois décrié mais qui a pourtant fait sensation à l’international malgré son échec au box-office français, moins de 200000 entrées pour un budget de 12.5M€.
Elyas, c’est une histoire classique de rédemption d’un soldat brisé. Et il est vrai que très rapidement, Elyas est prévisible. On pense par exemple à des films comme Man on Fire (2024), et bien que le film essaie de semer le doute chez le spectateur avec son personnage central brisé, sous médicaments, qui a potentiellement des hallucinations ou des trous de mémoire, le spectateur n’est pas dupe sans même qu’il y ait énormément de réflexion à avoir. D’autant plus que cet aspect-là du film, qui amène certes un peu de profondeur au personnage central, aurait pu être la base de scènes beaucoup plus fortes mais on a l’impression que le réalisateur ne sait pas quoi en faire, l’abandonnant même complètement lors du dernier acte. Du coup, il est vrai que le déroulement du film et sa structure ne laissent guère de place aux surprises et aux rebondissements, Florent-Emilio Siri déroulant son scénario de façon assez linéaire. Ce n’est pas la seule problématique du film et, il faut avouer, il y a pas mal de petites tares à commencer par son scénario, qui ne sait parfois pas vers où il a envie d’aller, quand il ne nous balance pas à la figure des incohérences qu’il n’est pas difficile de détecter (Elyas est arrivé par le toit, il rentre dans une porte qui l’amène dans un couloir, alors pourquoi on nous dit que la seule issue pour aller sur le toit est dans une chambre ?). Il y a également à redire sur ma photographie, peut-être un peu trop sommaire, sans éclat, empêchant le film de dépasser son statut de série B. Ca manque de contrastes, ça manque parfois de profondeur, et couplé à des CGI assez moyens, le résultat est assez lambda. Il y a également le casting qui pourra refroidir, avec un jeu d’acteur parfois à côté de la plaque qui empêche de rendre certains personnages complètement crédibles. On comprend que Siri n’a pas voulu tomber dans les clichés, par exemple avec les gitans, mais on est souvent dans quelque chose d’assez plat, sans grande envergure, … tout du moins dans les rôles secondaires. Parce que l’interprétation est sauvée par la toute jeune Jeanne Michel (Ducobu Président !) qui malgré sa chiantitude finit par devenir attachante, mais surtout par un Roschdy Zem qui interprète son rôle à la perfection.
Roschdy Zem tire clairement Elyas vers le haut en donnant une aura très particulière à ce héros meurtri, quasi monolithique, sorte de robot en veille dont le cliquetis de son petit couteau sonne comme un compte à rebours avant l’explosion, avant que le guerrier qui sommeille en lui n’explose et ne laisse déchainer toute sa violence. Roschy Zem a déjà plusieurs fois démontré qu’il était à l’aise dans ce genre de rôle musclé et, bien qu’il vieillisse, on le sent toujours autant dans son élément. Florent-Emilio Siri a pensé son film autour de lui et ça se sent. Lorsqu’il se met à déboiter des mâchoires et à fracasser / planter tout ce qui lui passe sous la main (un pied de parasol, un tuyau de robinet, une bouteille de soda, …), la mise en scène de Siri se fait plus précise, avec un découpage et des cadrages étudiés pour que l’action reste constamment lisible. Certes, il y aurait clairement à redire sur certains passages montés à la truelle et qui sonnent clairement faux, mais on sent une réelle envie de bien faire, une réelle envie de s’élever au-delà des standards des scènes d’action de ce genre de séries B qui fleurisses en direct to DVD/Blu-ray ou directement sur les plateformes de SVOD, une réelle sincérité dans ce qu’il nous propose. Siri s’amuse à mettre en images des coups qui font mal, très mal parfois, et la scène de baston / massacre dans le camping-car est clairement la meilleure scène du film. A la manière d’un jeu vidéo, la tension monte crescendo, tout comme la difficulté dans ce que le héros va devoir accomplir. L’atmosphère du film, alternant scènes douces (la complicité qui se créé entre le garde du corps et sa protégée) et moments réellement brutaux (certains « finish him »), et son côté parfois pulp nous embarquent pour peu qu’on ne s’attende pas à être émotionnellement renversé et qu’on parte du principe que Elyas ne cherche pas à révolutionner quoi que ce soit (ce n’est de toutes façons pas le cas). Car bien que prévisible, bien qu’imparfait sur de nombreux points, Elyas sait se montrer efficace, et pour ce genre de série B un minimum couillue, c’est bien le minimum qu’on est en droit d’attendre.
Bien loin de la purge criée par certains et de la totale réussite clamée par d’autres, Elyas est un sympathique petit actionner, bien trop imparfait pour réellement retenir l’attention mais suffisamment efficace pour passer un bon moment.
Critique originale avec images et anecdotes : https://www.darksidereviews.com/film-elyas-de-florent-emilio-siri-2024/
Créée
le 5 déc. 2024
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