Emancipation est un film dont le propos s'attire forcément notre empathie (un esclave qui mène sa propre bataille pour être libre, en plein entre-deux vicieux d'attentisme de la libération par Lincoln qui tarde à arriver dans les terres les plus reculées d'Amérique), mais dont la mise en scène n'essaie même pas de cacher ses intentions : elle veut nous mettre dans sa poche. Ce forcing d'opinion, quoi qu'il en coûte, nous a, à l'inverse, vraiment épuisé. Qu'on pense aux étranges successions de travelings (on n'en peut plus, très rapidement), au noir et blanc vraiment écœurant avec ses pointes de couleurs qui percent au petit bonheur (il est loin, le temps des couleurs éclatantes dans du noir et blanc à la Sin City...), à Will Smith en homme pieux qui enchaîne les sermons la larme à l’œil (une composition de rôle qui ne cherche que la récompense), au scénario ultra manichéen qui nous fait constamment du pied (la scène de départ qui s'empresse de montrer
le sacrifice du héros pour sauver un inconnu
, oui, on a compris qu'il était très, très, très gentil...). On se prend aussi à penser que si les bourreaux tuaient ou mutilaient les esclaves aussi vite que ce qu'on entrevoit en cinq minutes, leur garnison serait totalement épuisée ou estropiée avant la fin de la journée (ah, demi-mesure dramatique, quand tu nous tiens...). On est donc face à un film qui s'appuie sur l'avis forcément favorable qu'on se fait de son propos (évidemment qu'on préfère voir ce pauvre homme libre et entouré de sa famille), pour nous ensevelir sous sa mise en scène démonstrative à l'excès, et sous le jeu lacrymal de Will Smith. On regrette très vite la finesse et la puissance d'un Twelve Years a Slave, face à ce parent pauvre qui nous force la main pendant deux heures. Mention au noir et blanc et aux travelings infernaux.