Sans doute me serais-je rappelé du film, et sans doute la foule l'aimerait-elle plus, si son titre n'était pas aussi niais et paresseux. Mais passons. Ce film que je ne saurais nommer est une comédie musicale dans tous les sens du terme, où numéros et sketches deviennent synonymes et écrasent la notion de quatrième mur sous leurs semelles enclaquettées. Le propos : une pièce, The Mating of the Shrew, que les personnages montent et jouent devant un public qui pourrait être nous.
Les décors ne se cachent pas d'être en carton sur scène comme en-dehors, quand ils font partie du film, lequel, dans son ensemble, accomplit le miracle de ne pas avoir un seul souci pour le concept du quatrième mur. L'œuvre est jouée par les acteurs, et par les acteurs que ceux-là jouent, au point que l'apparition de l'audience est un choc ; tout n'était donc pas en train de se jouer sur un écran ? Ensuite, les acteurs de la pièces redeviennent les acteurs du film le temps d'une dispute jouée dans une apartée blasphématoire et libératrice ; l'improvisation est de mise chez les acteurs de la pièce, mais on a l'impression indécrochable qu'elle est celle des acteurs du film.
L'œuvre entière est une danseuse sautant d'un pied sur l'autre entre ses mondes vite installés, guidés par la prestance monumentale de Howard Keel déclamant ses lignes dans un anglais archaïque et lyrique impeccable. L'image est claire et le cadrage d'une lisseur incompréhensible pour son âge. C'est un film qui en met plein la vue, et pas seulement parce que la lubie de son réalisateur est de balancer un peu tout et n'importe quoi directement sur la caméra, que ce soit des pieds, des accessoires ou du liquide. Il se laisse un tantinet emporter par son côté épique, mais rien de grave, car il donne du relief à son Technicolor d'une façon tout à fait épatante.
Quantième Art