Monsieur Audiard n'aime pas les comédies musicales. Il l'a déclaré mainte fois. Pour être juste et précis, ce qu'il n'aime pas c'est le modèle de comédie musicale tel qu'il fut édifié par Hollywood dans les années 30 à 50 (âge d'or du genre). Auquel il oppose les drames musicaux, tels que les Parapluies, Cabaret ..... auxquels il trouve grâce (chefs d'oeuvre il est vrai).

Avoir ceci en tête est important lorsqu'on aborde son dernier ouvrage, même si aborder un film en ne sachant rien reste toujours la meilleure des façons (mais dans le cas présent il serait bien difficile de ne savoir rien). Car ce désamour, il transpire ici malgré lui chaque fois qu'il se confronte aux morceaux de bravoure que ce doivent d'être les séquences musicales. Celles ci pâtissent d'abord de compositions qui si elles ne sont pas honteuses, peinent à s'inscrire durablement dans l'oreille. Elles passent. Avançant il faut dire dans des genres bien dispersés, ce qui n'aide pas. Cette faiblesse est malheureusement appuyée par un traitement en image qui ne parvient pas non plus à produire quelque chose de prégnant. Les propositions sont là. Mais manquent tout autant de fulgurances, de rigueur. Ces mêmes fulgurances, ce perfectionnisme, qui faisaient la force première du modèle classique du genre. On reste donc sur ce premier point, majeur, sur sa faim.

En second, sur le fond, depuis les Olympiades, monsieur semble courir après l'air du temps. Lui qui aura été longtemps force de propositions originales. Il s'inscrit pleinement dans l'air du temps, avec donc alors un temps de retard, car le cinéma se doit plutôt d'avoir un temps d'avance. Le film est annoncé comme un objet fragile, toujours à la limite de la chute, regorgeant de propositions éparses. Peut être trop de battage, car là aussi, le compte au final n'y est pas. Peut-être parce que trop de choses ont été effleurées : le film ne surprend même pas (il devient il faut dire aujourd'hui bien difficile de surprendre. Les propositions s'étant démultipliées). Sans être surpris, on est en revanche troublé par certaines suggestions (qu'en passant d'un sexe à l'autre, on puisse voir sa nature passer du mal au bien absolu, nature inscrite donc dans le genre).

On reconnaitra à monsieur Audiard le courage et la volonté qu'il aura eu a ne jamais s'enfermer dans un sillon, à toujours se remettre en cause, à tenter autre chose. Attitude remarquable, mais qui cette fois ci ne paye pas. Hypothèse: il eut fallu aimer un peu plus les comédies musicales.

HAL1
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le 18 juil. 2024

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