...prends-nous pour des cons.

(Ça a l'air de marcher...)

_

Putain, je n'étais tellement pas prêt.

J'avais juste entendu les retours positifs aux lendemains des résultats de Cannes 2024. Ça m'a rendu curieux. Je ne me suis pas renseigné davantage. J'aurais dû.

Et il a donc fallu qu'en plus de ça je débarque dans la salle quelques minutes après le début de la séance... Et voilà comment je me suis mangé en pleine face – sans préliminaire – une séance de comédie musicale (!) vraiment consternante dans laquelle ABSOLUMENT rien n'allait. Photo hideuse, performance factice au possible, paroles d'un niveau de subtilité tel qu'à côté de ça le Barbie de Greta Gerwig, c'est du Tolstoï... J'ai bien évidemment cru à une pub totalement ratée pour des serviettes hygiéniques mais non : c'était ça, Emilia Pérez.

Ah mais... Il FAUT le voir pour le croire hein !

On est au-delà du premier degré là ! Ça va te chercher tous les items à cocher pour faire le chevalier vertueux de la cause progressiste du moment et on te MA-TRAQUE le tout en mode littéral sans aucune subtilité : une femme avocate qui chante son seum de ne pas être reconnue à sa juste valeur, qui acquitte un mari violent tout en sachant qu'il est coupable (et qui le dit en voix off au cas où on aurait été trop con pour le comprendre), puis qui va chercher un tampon (véridique) pour ensuite se rendre aux toilettes afin de se laver du sang qu'elle a sur ses propres mains (littéralement).

Et ça, c'est juste les cinq premières minutes hein !

Après ça, il va falloir qu'on se bouffe une histoire de chef de cartel qui veut transitionner et qui se révèle être en fait un véritable cœur tendre (parce que, tu comprends, s'il était méchant c'était parce qu'il était pas bien dans sa peau...)

Et moi, je suis donc censé avaler la pilule parce que c'est une comédie musicale ?! Non mais OH !

En plus ce n'est même pas de la bonne comédie musicale hein ! On y retrouve tous les travers des comédies musicales réalisées par des auteurs qui n'ont manifestement aucune affinité avec le genre : les chansons tombent sans qu'on s'y attende ; les musiques sont sans grande identité et piochent un peu dans tous les styles ; les paroles peinent à se faire mélodiques et surtout on se retrouve encore une fois avec la moitié de la distribution qui ne sait pas chanter...

Non mais c'est sidérant tellement rien ne va...

Ce film n'a juste aucune consistance et surtout aucune habilité. Tu voudrais faire un truc de propagande caricatural bas du front que, même avec beaucoup d'efforts, tu peinerais à arriver à un résultat aussi con.

Et il y a des gens qui adhèrent vraiment à ce genre de débilités ?!

Non mais vraiment, parce que là , j'avoue être vraiment sur le cul. Moi je veux bien qu'on adhère à des causes ou qu'on soit sensible à des sujets qui entrent en vibration avec nos propres préoccupations mais là, il y a quand même le sujet du cinéma qui se pose. J'aurais presque envie de dire : le sujet de l'intelligence.

Un sujet, c'est une chose. Une œuvre cinématographique, c'en est une autre.

Or, moi, ce film, il me prend pour un con sur tous les points. Pourquoi sous-entendre ? Pourquoi questionner ? Pourquoi laisser à sentir ? Pourquoi chercher à séduire ? A chacune de ces questions, ce film me répond par l'équivalent d'un doigt d'honneur. « Bouffe ta leçon de morale et tais-toi. Alors on fait l'effort d'être touché par la cause des gentils et on s'insurge face à tous les autres. Compris ? »

Non mais ce film, c'est juste une putain de démonstration par l'absurde.

Comme aujourd'hui on loue davantage les pourfendeurs des causes morales que les véritables auteurs qui entendent explorer leur art, Audiard a visiblement voulu faire un pari : y aller sans réserve, ni limite, ni scrupule.

Caméras au poing, photo crade et démonstration littérale : tous les clichés les plus pauvres et les plus consternants du cinéma naturaliste ont été mis sur la table, sans AUCUNE plus-value. Jusqu'à l'appel à l'exotisme ; cette sidérante cerise sur le gâteau !

Et résultat de tout ça ? Prix du jury à Cannes.

Bon bah ça marche, alors pourquoi se priver ?

Et moi qui, chaque année, dis que je ne tomberais plus jamais dans le piège cannois...

Je crois que, ce coup-ci, j'ai reçu la dose décisive qui, pour longtemps, me vaccinera.

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le 28 août 2024

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