John Patton Ford sort de ses études, tout dépité : le voilà diplômé, mais surtout sur-endetté à hauteur de 100 000 dollars (et ce n'était même pas l'école la plus chère, à ce qu'il dit en rigolant). Avec cet accablement financier qui pèse sur son compte en banque (et son moral), il imagine un personnage, Emily, qui cherche à s'en sortir plus vite, et moins légalement, qu'avec un taux mensuel, pour rembourser 60 000 dollars (il a dû tempérer la réalité, car les publics internationaux ne connaissant pas le système de sur-endettement américain, cela ressemblait pour eux à de la science-fiction). Vous tenez le speech simple et efficace de ce thriller mettant en scène Aubrey Plaza dans un contre-emploi (actrice connue surtout dans le répertoire comique) qui lui va bien au teint, et qui est devenu un symbole pour beaucoup de publics (chacun peut y projeter ce qu'il veut : système qui épuise le contribuable, injustice, précarité, résilience, combat parfois perdu contre la tentation à gagner beaucoup d'argent par des moyens illégaux...). John Patton Ford l'avoue, il a perdu le contrôle de son film, car il ne voulait faire qu'un modeste thriller d'action, avec quelques courses-poursuites et des bagarres, sur une histoire personnelle qui l'a beaucoup marqué, mais ne rêvait pas du tout de devenir le Che Guevara du cinéma de 2022. De notre point de vue, il y a de la marge avant que Emily the criminal nous fasse braquer une banque, même si le discours de l'injustice et de la tentation sonne juste (qui n'a jamais été tenté, jaloux, dans une mauvaise passe ?). Le film est assez linéaire, simple, remplit le cahier des charges de ce qu'on en attend, sans pour autant faire de vagues : pas de surprises, si ce n'est cette absence de pistolets, qui nous a interrogé (manqué, on l'avoue, au bout d'un moment...), jusqu'à ce que Ford révèle qu'il a rendu hommage à Audiard pour ce style pudique (les scènes sont copiées du film Sur mes lèvres). Emily the criminal est un divertissement honnête, manquant d'audace, mais qui saura parler à chacun de ses démons.