Début du 19e Siècle,dans la campagne anglaise.Emma Woodhouse,fille d'un hobereau veuf,ne veut pas se marier pour ne pas laisser son père seul et occupe son temps à former des couples en organisant des rencontres et en suggérant aux gens qu'elle souhaite voir s'unir de se rapprocher de "celles et ceux" qu'elle a choisis pour eux.Elle se croit douée pour cette activité d'entremetteuse et après avoir unis sa soeur et un riche jeune homme du coin,puis sa gouvernante avec un ami et voisin,elle s'attaque à un nouveau chantier:brancher son amie Harriet Smith avec Elton,un fringant pasteur.Mais les choses vont déraper et la situation échappe quelque peu à notre agence matrimoniale sur pattes.Le "Austen movie" est devenu un genre à part entière du cinéma et de la télé anglais et les adaptations des oeuvres de la romancière fleurissent sur les écrans."Emma" est un livre moins connu que "Orgueil et préjugés" ou "Raison et sentiments" mais ce film en est quand même la sixième mouture,et c'est aussi la dernière adaptation en date de Jane Austen.Cependant il ne s'agit que de la deuxième version cinéma,les autres étant des téléfilms ou des séries,après le "Emma,l'entremetteuse" de 97 avec Gwyneth Paltrow.C'est la célèbre photographe Autumn de Wilde qui s'y colle,réalisant ainsi son premier film,produit par la Working Title de Tim Bevan et Eric Fellner qui drivait déjà le très bon "Orgueil et préjugés" avec Keira Knightley,Knightley étant bizarrement ici le nom du principal personnage masculin.La réalisatrice est dans son métier d'origine spécialisée dans les portraits et ça se voit car elle soigne le visuel de ses plans qui,très composés,ressemblent à des tableaux d'époque sublimés par la belle photo de Christopher Blauvelt.C'est donc parti pour une bonne ration de jolis manoirs,de pelouses verdoyantes,de jardins fleuris,de pluies battantes,de domestiques impassibles,de robes bouffantes,de coiffures étudiées et de redingotes ajustées dans des décors aux tons pastels résolument Old England.La routine en quelque sorte,dont le scénario et la mise en scène tentent au début de se démarquer en modernisant l'ensemble par la présentation de personnages aux comportements clownesques et aux déplacements dynamisés par des marches rapides à travers de longs couloirs qui les font se précipiter vers la caméra,ou par des scènes de groupe en extérieurs très chorégraphiées.Tout ceci n'est guère heureux mais ça va se calmer progressivement à mesure que les enjeux et les liens entre les protagonistes se précisent.On reste évidemment dans le système Austen,avec la description d'un microcosme bourgeois fonctionnant en circuit fermé et d'une société régie par l'argent et les rapports de classes,l'institution du mariage étant le ciment de cet univers figé.Nous assistons donc aux visites des uns chez les autres,et inversement,aux tea times,aux messes,aux bals,aux mariages et aux sorties champêtres,autant d'occasions de draguer,de cancaner,de s'espionner ou de conclure des arrangements.Emma est au centre du dispositif et se révèle être une psychopathe manipulatrice de grande envergure.Elle ne vit sans doute pas aussi bien qu'elle le dit son célibat choisi et son obsession de vouloir régenter les amours des autres ressemble à de la compensation perverse,ce dont la pauvre Harriet,une idiote de compétition, va faire les frais quand son amie la détournera d'un brave fermier qui l'aime sincèrement pour la pousser vers un crétin qui n'en a que faire et vise en réalité Emma.Pendant ce temps elle ne voit pas que l'amour est devant elle en la personne de son riche voisin et beau-frère Knightley,un type formidable.Leur relation compliquée n'est pas sans rappeler celle entre Elizabeth et Darcy dans "Orgueil et préjugés" et leurs échanges verbaux doux-amers sont un régal,tout comme leur danse d'une sensualité exacerbée lors de la séquence du bal.L'atout majeur du film est la présence dans le rôle-titre de la divine Anya Taylor-Joy.Son étrange beauté et son magnétisme incroyable phagocytent la caméra et tirent toutes les scènes vers le haut,au point qu'on se demande ce qu'aurait pu donner l'oeuvre sans elle.Le reste du casting est plutôt moyen en-dehors de Johnny Flynn qui lui donne une solide réplique et campe un Knightley à la fois puissant et sensible.