Cantando dietro i paraventi (2003) - En chantant derrière les paravents / 98min
Réalisateur : Ermanno Olmi.
Acteurs-principaux : Jun Ichikawa - 市川純 ; Bud Spencer ;
Mots-clefs : Italie - Pirates - Chine - Fable.


Le pitch :
Un jeune étudiant entre dans un cabaret chinois qui fait aussi office de bordel. Sur la scène, un vieux capitaine de pirate raconte l'histoire de la célèbre veuve Ching. Epouse de l'amiral qui commandait une flotte de pirates, elle a repris la tête de ses troupes après l'assassinat de ce dernier par des représentants du pouvoir. Afin de laver son honneur et pour le venger, la veuve Ching écume les mers du sud de la Chine et s'attaque aux bateaux de l'empereur. Celui-ci ne peut accepter plus longtemps un tel affront. Pour mettre fin à ses méfaits, il envoie à sa rencontre une redoutable armada...


Premières impressions :
Tous les ans, la fête de la VOD est l'occasion pour moi de découvrir des raretés du septième art et de tenter quelques expérimentations à prix modiques. C'est en faisant un détour par la catégorie film italien sur universciné que je suis tombé sur " Cantando dietro i paraventi", En chantant derrière les paravents, grâce à son affiche aux faux airs de "Memoirs of a Geisha " qui m'a tout de suite interpellé. En y regardant de plus près, la femme asiatique sur l'image ressemblait plus à une concubine chinoise et en plus petit je pouvais nettement distinguer... un pirate. Je veux dire, un vrai pirate, avec sa longue barbe et son tricorne et... attendez une minute, ce type me disait un truc... Nom de Dieu, Bud Spencer. Le "Bud Spencer" de Bud Spencer et Terence Hill, aka l'Obelix napolitain, aka le ditributeur professionnel de torgnole des westerns spaghetti de mon enfance. La vache, je venais donc de mettre la main sur un film italien mêlant Chine mythologique et Pirates, un sacré programme.


Plus qu'une pirate quelconque, le film d**'Ermanno Olmi** met en image une fable sur le plus grand pirate de tous les temps qui était une femme chinoise : la veuve Ching Shih. Au début du XIXème, Ching Shih (1784 – 1844) est une légende à la tête de 400 à 1800 navires selon les sources, 60 à 70 000 marins qui firent mordre la poussière aux flottes de la dynastie impériale Qing si bien que le fils du ciel, pour se débarrasser du problème, finit par amnistier Ching et son équipage plutôt que de devoir continuer à la combattre. Son nom ne vous dit peut-être rien, mais vous l'avez toutefois certainement aperçue en vielle femme dans un des pirates des caraïbes. Intelligente, belle et tacticienne, celle qui commença comme modeste prostituée fit régner un code de la piraterie strict interdisant entre autre le viol de prisonnière. C'est un peu ironique quand on sait que la terreur des mers termina ses vieux jours comme propriétaire d'un bordel à Guangzhou et c'est d'ailleurs dans celui-ci que le film commence.


Devant des spectateurs alanguis et en belle compagnie, Bud Spencer monte sur scène en vieux loup de mer et narre aux clients la légende de Ching. La narration mélange ensuite les temporalités, le bordel au présent, le spectacle qu’il y offre sur une scène de théâtre et le récit de la guerre lui-même tourné comme un vrai film de pirate. Le film d'Olmi (Palme d’or à Cannes, en 1978 avec l’Arbre aux sabots) provient d'une libre adaptation de l'œuvre du poète chinois Yuentsze Yunglun maturée une trentaine d'année par le réalisateur italien. Troublé par la violence du 11 septembre et par l'engagement de l'Italie dans la guerre qui s’ensuivit, Olmi voulu faire un film sur la paix. Le titre du film vient d'ailleurs d'un vers de Yuentsze Yunglun « Et c’est ainsi que les hommes enfin en paix purent vendre leurs épées et acheter des boeufs tandis que les voix des femmes égayaient le jour en chantant derrière les paravents. ».


Alors, on ne va pas se mentir, "Cantando dietro i paraventi" est plus un film onirique nous plongeant dans une Chine fantasmée (tournée au Monténégro) qu'un film d'action. Sur une trame relativement simple, parsemée ça et là de quelques combats en pleine mer, il s'attache d'abord à dépeindre la vacuité de la guerre et la valeur de la paix. Pourtant, "Cantando dietro i paraventi" a opéré un certain charme sur moi, à la fois par sa belle photographie un peu surannée, mais surtout par son aspect de fable philosophique pour grand enfant. Aussi étrange que cela puisse paraître, j'ai beaucoup aimé ce mélange de style entre cette iconographie chinoise sublime et cette façon si italienne du film en costume. Il y a dans ce mélange une forme d'antithèse de Pirate des caraïbes, une poésie des mots et de l'image qui s'intéresse plus aux personnages et aux paysages qu'à l'action brute.


Côté acteurs, je suis immédiatement tombé sous le charme de Jun Ichikawa, non pas le cinéaste japonaise, mais une actrice née au soleil levant mais qui a grandit en Italie et qui dans ce film a des faux airs de Zhang Ziyi (Tigre et Dragon, Memoirs of a Geisha, The Grandmaster). Absolument inconnue en France (et probablement au Japon), la jeune femme qui reçue d'abord une formation de danseuse classique, creva tant l'écran pour son premier film, qu'elle en enchaina une vingtaine par la suite. J'ai aussi beaucoup aimé découvrir un Bud Spencer en vieux loup de mer et bras droit de la capitaine. Moins cogneur et plus poète que dans les années 70, il forme un duo étonnant avec Jun Ichikawa dont les deux personnages échangent des mots d'esprits. Surtout Bud Spencer permet de faire le lien entre orient et occident, rappelant à chacun que le film n'est qu'une adaptation occidentale qui ne cherche pas à copier les œuvres chinoises mais à en raconter une belle histoire à sa manière.


Pour conclure, "Cantando dietro i paraventi" est un film que j'ai plutôt apprécié pour son aspect peu commun, convoquant à la fois l'imaginaire de la Chine millénaire mais en la filmant avec beaucoup moins de pudeur que ce qu'oserait un film asiatique et mettant au service de ce cadre toute l'expérience du film en costume italien. Onirique, je le conseille surtout à celles et ceux qui sont curieux des mélanges des genres et surtout pas aux puristes qui y verront certainement des tas d'approximations historiques. Bref, sans être un chef d’œuvre, "En chantant derrière les paravents" est une curiosité bien peu connue en France qui se trouve en VOSTF tant en DVD qu'en VOD.

GwenaelGermain
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le 21 oct. 2019

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