En Guerre, ça commence par un pitch très classique, une histoire qu’on a l’impression d’entendre tous les jours aux infos : une usine à Agen, des marges pas assez importantes au goût des actionnaires et une Direction qui décide de fermer le site, en dépit des accords signés avec les délégués du personnel, de l’argent public touché et des 1100 salariés qui vont finir sur le carreau…
Le film de Stéphane Brizé suit donc les salariés de l’entreprise et plus précisément ceux qui sont syndiqués, dans leur lutte contre cette décision injuste, à travers les grèves, blocage d’usine, réunions syndicales et autres rencontres avec la Direction mais également les élus, etc. Un véritable parcours du combattant pour pouvoir être entendu…
L’une des particularités de En Guerre est qu’il ne compte qu’un acteur professionnel, à savoir Vincent Lindon. Sans surprise, le rôle de leader syndical lui va comme un gant et comme souvent, l’acteur se montre convaincant et touchant.
Dans le même ordre d’idée, pour de nombreuses scènes, une grande part d’improvisation a été laissée aux acteurs, afin de dépeindre les situations de la manière la plus réaliste possible. Si cette approche fonctionne plutôt bien dans l’ensemble, elle montre également ses limites avec un rendu parfois un peu froid et manquant d’émotions…
De même, le film alterne entre diverses réunions, actions de terrain et reportages TV fictifs. Il ne s’éloigne jamais de son sujet premier alors qu’il aurait pu être intéressant de se plonger également dans la vie quotidienne de ces ouvriers, de découvrir où ils vivent, leur difficulté et l’impact de la grève sur leur capacité à répondre aux besoins élémentaires de leur foyer. Certes, la question n’est pas éludée puisqu’elle sera même source de tensions entre syndicalistes, mais cela ne transparait pas plus que ça à l’écran.
En Guerre est néanmoins un film intéressant, car en dépit d’une trame globale bien connue, il montre tout de même l’envers du décor de ces mouvements sociaux : image parfois désastreuse auprès des médias et de la population, ou inversement, l’élan de solidarité généré. Mais aussi la difficulté de rencontrer des interlocuteurs crédibles, les dissensions internes quant à la stratégie à suivre, les conflits de personnalités, les manipulations de la Direction, l’épuisement quand le mouvement s’enlise…
Si Stéphane Brizé parvient le plus souvent à éviter la caricature (hormis peut-être la scène où le big boss se fait « secouer » par les ouvriers à la sortie d’une réunion), sa vision pourra néanmoins sembler manichéenne, mais probablement parce que ce type de situation l’est réellement.
En Guerre relate un sujet bien connu en France depuis 30 ans et en cela, il trouvera un fort écho auprès du public. Il a le mérite également de permettre des éclairages sur une situation dont les enjeux sont parfois mal compris et soulève la question récurrente du pouvoir réel de l’Etat dans pareil cas de figure. Il nous montre à nouveau, si besoin était, le poids de la Finance et du Marché sur nos vies quotidiennes et notamment pour ceux qui occupent les positions sociales les plus vulnérables.
Si l’ensemble aurait mérité un peu plus de chaleur, d’émotion et d’un « emballage » plus soigné (les musiques par exemple, sont vraiment décevantes), il n’en reste pas moins conseillé à ceux qui veulent un peu mieux comprendre le monde dans lequel on vit.