En guerre, titre un peu provocateur pour un film sur une lutte syndicale. Je me dis donc que c'est un film bien orienté, avec peu de nuances et construit autour d'une seule volonté : montrer les inégalités, les actions immondes du patronat à l'encontre des ouvriers.
Mais plusieurs surprises.
Tout d'abord la réalisation. Les scènes sont longues, répétitives, filmées de près. Chaque nouvelle réunion de négociation fait naître un sentiment de déjà-vu chez le spectateur, et c'est une grande force pour le film. Le spectateur est vraiment sensible à la cause qui enthousiasme les ouvriers. Et les acteurs ne sont d'ailleurs pas épargnés. Vincent Lindon n'a pas l'air habité par le rôle qu'il doit jouer, il est habité par la lutte qu'il mène, réellement, quoique son champs d'action soit fictif. La réalisation explore donc avec habileté et justesse les frontières du cinéma réaliste. A la sortie, on ignore s'il s'agit d'une fiction ou d'un documentaire. On est juste abattu - enfin j'étais juste abattu.
Autre surprise, le portrait des divisions syndicales qui me semble très pertinent. Car s'ils se battent tous pour la même cause, ils sont très différents, et tous épris d'une seule question et se divisent sur la réponse : à quoi ça sert ? ça sert à rien. Entre discours de philosophie pragmatique et discussions qui auraient pu se retrouver dans une pièce de Camus, le film pointe du doigt le problème des luttes syndicales, c'est-à-dire quelque chose qui s'apparente à la représentation. Car Vincent Lindon, leader CGT du mouvement, est partout. Il est presque adulé par ses comparses. Et détesté par ses adversaires des autres syndicats de l'usine. On sent venir les critiques de certains spectateurs : Lindon est le nouveau Ruffin. Il n'y a que lui dans le film. L'analyse est juste. Mais ce film n'est pas anarchiste. Il démontre bien - ou du moins il montre - que le syndicalisme est un mouvement hiérarchisé, avec une représentation, et une majorité qui l'emporte. C'est une société dans la société. Et si les membres ne respectent plus cette société-là, alors elle n'est plus efficace. En fait, le film n'a pas vraiment d'avis sur la légitimité de tel ou tel syndicat. Il montre, c'est tout. En guerre met à l'affiche des humains - pas des soldats - qui font la guerre.
Dernière remarque. Oui, c'est la guerre. Dans un monde compartimenté, où l'argent est fragmenté, où les pouvoirs sont invisibles, la seule solution, quand le dialogue est impossible, c'est la guerre. Et la guerre n'admet aucune poésie. La seule poésie possible, c'est celle du sacrifice et du martyre - dans la mort.
Le reste, quand il s'agit de la vie, c'est de l'action, de l'action, et de l'action.