La douce aliénation du réel
Tout bascule le jour où cette vie monocorde est brisée par la mort d’un collègue de Maryse, qui se rend alors compte de l’aliénation de son existence, symbolisée entre autre par une pelle mécanique gisant dans son jardin et dont elle tente par tous les moyens de se débarrasser. Pour Benoît, c’est la visite d’un prétendu « homme du futur » qui vient chambouler sa vie de médiocrité. Celui-ci l’avertit de la mort imminente de sa sœur. Ces deux événements auront pour effet le rapprochement à tâtons des deux personnages, l’une devant se rendre au chalet de son père pour y récupérer une remorque, l’autre devant l’accompagner pour la sauver de son accident en devenir.
En terrains connus traite ainsi de l’aliénation, de l’absurdité de la vie, mais avec un ton chaleureux tout en douceur, tout en subtilité. L’humour est omniprésent, tout en restant discret, comme s’il était saupoudré par-ci, par-là, jouant surtout sur les dialogues – ou l’absence de ceux-ci – ou encore sur les plans de caméra, qui sont parfois carrément jubilatoires tant ils sont magnifiquement bien choisis. Cette scène où, lors d’un souper en l’honneur de sa femme décédée, le père de Benoît et Maryse regarde vers le haut en disant que leur mère veille sur eux, suivi d’un plan où l’on voit la lumière du plafond, est particulièrement représentative de cet humour visuel qui caractérise le film. En outre, une atmosphère surréaliste se dégage de nombreuses scènes, qui nous apparaissent absurdes ou cocasses, tout en étant, pour les personnages, banales ou même dramatiques.
Stéphane Lafleur réussit, avec En terrains connus, à nous offrir un univers décalé pourtant si proche du nôtre, à nous faire croire que l’étrangeté est la norme. Le film porte ainsi judicieusement son titre, le spectateur se sentant bien « en terrains connus », malgré l’environnement surréel dans lequel il baigne. En ce sens, le film de Stéphane Lafleur pourrait bien faire penser à L’écume des jours de Boris Vian.
Créée
le 1 févr. 2014
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