Une chose est sûre, Noé n'est pas la merde hollywoodienne annoncée ou attendue, il peut même décevoir à plus d'un titre si on le prend comme tel. Déjà, il faut le dire, malgré ces scènes de bataille et ce CGI moche mis en avant dans les bandes-annonce, le film est plutôt lent (sans être trop ennuyant) et il ne verse absolument pas dans les effets spéciaux à grand spectacle. L'entrée en scène des hordes d'animaux était obligée et c'est vrai que c'est assez splendide, mais ça demeure discret par rapport au reste du film, et les animaux ont le mérite d'être montrés de loin, du coup on s'aperçoit pas trop qu'ils sont en images de synthèse. Sinon, ça reste un film plutôt inégal : la première moitié du film est assez molle, l'intrigue avec le clan de Toubal-Caïn n'est pas amenée des plus naturellement et la scène de "bataille" est fade comme pas possible, avec ces énormes golems qui balaient les rafales d'ennemis avec leurs gros bras. Parlons-en justement de ces golems, qui sont en réalité des anges déchus : c'est une très bonne idée et ça permet de combler minimalement les failles énormes du récit originelle (Noé est censé construire son arche tout seul, là au moins il a l'aide de ces gros monstres de pierre), cependant l'idée est assez mal exploitée et on sent que tout n'est que prétexte. On peut rajouter à ça le malaise provoqué par la misogynie latente du film, qui dit très explicitement que les femmes ne servent qu'à enfanter (mais c'est comme ça la Bible, il aurait été impossible de contourner ce problème sans briser la cohérence du récit). Pourquoi un 8 alors ? Parce que la seconde partie du film, à partir du moment où l'arche est sur les eaux, rattrape largement la première. Le film vire presque en thriller psychologique avec Noé qui croit fermement que l'espèce humaine toute entière doit disparaître, y compris sa famille. Il lutte donc entre son désir d'obéir au Créateur et son amour pour ses proches, un peu à la manière du récit d'Abraham. Le mythe de Noé est ainsi réécrit et brise le manichéisme habituel de la Bible en montrant que le mal (et le bien) est présent en chacun d'entre nous, Noé est donc dépeint de façon beaucoup plus humaine que dans les textes sacrés. Le tout est desservi par des prestations très honnêtes, en particulier Jennifer Connelly qui fascine par la justesse de son jeu et Russel Crowe qui joue à merveille le côté sombre et sévère du Noé d'Aronofsky. Esthétiquement, c'est très réussi, mais on se souviendra surtout de l'usage du simili stop-motion pour raconter "l'origine de la vie", passage tout simplement parfait. Le Noé d'Aronofsky n'a, en définitive, rien pour réellement décevoir, on imagine difficilement comment il aurait été possible de raconter l'histoire de Noé de meilleure façon. Bien sûr, c'est loin d'être parfait, mais ça demeure un film prenant, touchant, avec une dose de spiritualité plutôt universelle (le film n'est pas destiné à un public religieux), avec un casting cinq étoiles, plutôt honnête pour un film lynché de la sorte avant même sa sortie.