Et pourtant la bande annonce n’annonçait rien de fulgurant. Mais mon éternel optimisme aidant et surtout ma meute pubère insistante, je me suis laissée convaincre. Ma famille, elle, n’a rien de magique, elle ne chante pas à tue-tête des chansons insipides (elle les fredonne seulement par crainte de représailles nocturnes), elle ne cuisine pas des cookhealth, n’arrive à garder en vie que plantes grasses et cactus faméliques et surtout elle ne voit pas l’avenir pour me prémunir face aux désastres projetés sur toile.
Le dernier Disney de Noël prend place dans une parcelle de Colombie fantasmée où a élu domicile la famille Madrigal. S’étalant sur plusieurs générations, les différents membres développent en fin d’enfance un don magique allant de la force surhumaine à la guérison magique en passant par le polymorphisme ou la voyance. Dans leur maison « vivante » évolue également la jeune Mirabel, seule Madrigal sans pouvoir surnaturel. Mais la source de la magie semble se tarir…
Encanto est une souffrance. Rarement je me suis autant ennuyée devant un Disney. J’ai beau recenser les différents aspects du film pour extirper des points positifs, je n’arrive pas en extraire une once. Évidement, je ne peux nier la maîtrise technique du studio en matière d’animation 3D. Si techniquement le métrage n’affiche aucun défaut, il y a à redire en ce qui concerne la mise en scène ou la direction artistique. La mise en scène n’arrive jamais à procurer une émotion dans les moments intimes ni à générer un semblant de frisson lors des rares scènes d’action. Tout reste brouillon, tristement statique et fade ou au contraire survolté et épileptique. On sent constamment l’absence de vrais cinéastes derrière la caméra. Le récit et les intrigues, déjà inconsistants, ne sont jamais rehaussés par un ersatz de mise en scène. Si on ne peut nier la dynamique qui anime la caméra, elle est faite en dépit du bon sens sans s’accorder la réflexion d’une quelconque grammaire cinématographique. Ça brasse en tout sens mais surtout du vent.
Du côté des personnages, à part pour Mirabel, nous évoluons dans la grande tradition du personnage fonction. Tout le monde ici répond à un cahier des charges précis. La maman bienveillante, le papa protecteur, la grande sœur costaude mais fragile, la sœur bimbo, le cousin hyperactif polymorphe etc. Greffés sur des thématiques d’acceptation de la différence, des responsabilités et de la famille, les personnages sont peu attachants car beaucoup trop stéréotypés, redondants et mal écrits. Développés principalement par le biais d’une chanson, chaque personnage ressemble trop aux autres pour créer de la surprise et de l’attachement. Tous ne vivent que pour servir la famille. Image d’autorité camouflée derrière un masque de bienveillance, la matriarche Alma cristallise toutes les attentes. Chaque membre doit trouver sa place dans la famille et mettre son don au service du commun avec le stress et la pression que cela génère. La jeune héroïne Mirabel, sans aptitude particulière, n’a que sa bonne humeur et sa naïveté de princesse Disney à proposer. En toile de fond, la despote Alma organise même des mariages arrangés pour que perdure la lignée magique et la suprématie des Madrigal sur la vallée isolée. Tour après tour, les membres de la famille feront craquer le vernis idyllique, belle métaphore inspirée et originale de la maison qui se fissure, afin d’exposer la tyrannie imposée par les besoins de cette famille étendue. En fil conducteur, Mirabel la moldue, qui s’agite de sœur à cousin à tonton pour enfin mettre mère-grand face à ses responsabilités. Ça aurait pu être stimulant si ça n’était pas si grossier et monotone.
Je passerais rapidement sur les compositions originulles, ni inspirées sur les partitions, ni nuancées sur les refrains. Elles enchaînent les poncifs du genre et rivalisent de platitudes avec les prestations sautillantes des sœurs culs gelés de la Reine déneige 2. L’émotion absente, on se raccroche en catastrophe aux moindres aspérités d’humour. Là aussi, même constat. C’est suranné, répétitif et sans originalité. Un désert de créativité dans un océan de verdure numérique. Le spectacle est fade, insipide, malgré les explosions de couleurs, les jeux de lumières plus vrais que le vrai et les visages plus expressifs que jamais. Chez les Madrigal l’abondance de magie cache l’absence d’âme.
Après Raya et son dragon sous acides, Disney remet le couvert de la médiocrité avec cette fable colombienne qui tient plus du colombin… Flamboyant visuellement, le numérique prouve une fois encore qu’une suite de 0 et de 1 n’est rien sans des esprits créatifs en coulisse pour transformer le binaire en extraordinaire. La virtuosité graphique n’est plus qu’un postiche qui n’arrive plus à cacher la calvitie de la souris rigolarde et la vacuité des propos de ses œuvres récentes.