Dix ans auparavant, Albert Dupontel avait lâché une jolie p'tite bombe dans le ciel du cinéma corrosif français. Son nom: Bernie.
2006, il revient avec un film ENCORE plus déjanté. Oui oui c'est possible. Pendant 1h30 je me suis tapé de ces barres !
La fine équipe qui le suit depuis les débuts est là. Nicolas Marié, Hélène Vincent, Roland Bertin, Philippe Uchan et la très charmante Claude Perron.
Et l'on retrouve une trame relativement similaire à ce qui avait fait la force de Bernie; à savoir un type complètement à l'ouest qui va vouloir jouer le bon samaritain pour les beaux yeux d'une fille. S'en suit une suite de drôleries qui ont failli me coûter un lavage de pantalon tellement je me suis bidonné.
A l'instar de Michel Audiard, les films réalisés par Dupontel sont remplis de punchlines, également de répliques qui n'ont ni queue ni tête dans des situations qui n'ont pas lieu de s'y trouver. C'est du grand n'importe quoi mais qui fait sens, justement par le jeu des acteurs. Dupontel en première ligne, mais je pense également à la bande de SDF (Yolande Moreau, Bruno Lochet, Bouli Lanners) qui nous gratifie de moments à se pisser dessus.
Répliques:
Après s'être emplafonné chez un épicier, Roland (Dupontel) lui dit :
« Qu'est-ce qu'elle fout là ta boutique de merde ? tu vois pas qu'elle gêne ! »
« Comment ça tu veux manger ? Mais t'as pas déjà mangé hier ? Alors comme ça monsieur veut manger tous les jours ! »
« Il faut les décapiter vivants, les lapider à coups de hache. »
- « Coquelicot avec un K, hein c'est ça !? »
- « Non, avec un C. [...] comme dans crétin, connard, couillon. »
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Ce chevalier servant enchaîne les quiproquos et les maladresses avec désinvolture et bonne humeur.
Il trouve dans ses compagnons d'infortune une cour de joyeux trublions (dont une Yolande Moreau mémorable dans ses discours quasiment tous improvisés, entre violence et douceur) dans l'exubérance de couleurs des lieux de désolation, ce qui contraste avec l'austérité des lieux de ceux qui vivent dans le luxe.
Albert Dupontel pulvérise les codes en tournant ce film qui se transforme en BD, alternant les points de vue improbables (comme la goutte d'eau dans la perfusion), les mouvements épileptiques de la caméra, les travellings avants, etc, etc.
Son long-métrage mixe fable et satire sociale, se montre tour à tour poétique, drôle et déjanté, alterne naïveté et trash, fait se succéder musique de cirque un peu désuète et hard rock, oscille entre minimalisme et outrances visuelles.
Dupontel a réussi à créer un film qui oscille entre conte de fées revisité et chronique sociale. Car, au-delà de l'humour, ce long métrage est un portrait sociologique en puissance. Quand Howard Becker parle dans son ouvrage Outsiders des "exclus de l'intérieur", il fait référence à ces personnes qui vivent avec leurs normes dans un monde déjà normé, et taillé de telle sorte que ceux qui s'en écartent constituent la marge. Donc oui, ce film est une sociologie de la déviance, de l'exclusion...de l'intérieur, dont le leitmotiv est la survie. Elle est présente dans tous les recoins. (les SDF pour la bouffe, la mère qui veut récupérer sa petite, le boss qui se fait lyncher, et la scène finale quand Roland se retrouve sur le parapet d'un immeuble, voulant sauver Coquelicot)
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C'est au final une oeuvre dans laquelle nombre de sujets sont abordés, n'hésitant pas à les entremêler à loisir pour mieux en faire ressortir le caractère à la fois burlesque et grave. Le tout dans un rythme enlevé sans vraiment de temps mort.
Les fans de Bernie et Le créateur se doivent de regarder ce film.