Pour son passage à la mise-en-scène, Ralph Fiennes reprend un rôle qu'il avait joué sur les planches Londoniennes, et, comme lorsqu'il interprétait Marc-Aurèle dans le Julius Caesar mis en scène par Deborah Warner, décide d'affubler ses généraux et tribuns de treillis et accessoires modernes. Un choix-casse-gueule : on se souvient tous de cette saloperie de Romeo + Juliet...
Mais on se souvient aussi du Chateau de l'Araignée et de Ran, et on se souvient que Branagh avait, tout en gardant un rapport au passé, déplacé l'action de son Hamlet quelques siècles en avant...
Quelle est la bonne époque pour adapter Shakespeare ? Faut-il obéir au texte ? L'ancrer dans une tradition Elisabethaine ? Ou finalement le placer dans une modernité contemporaine, histoire de parler au plus grand nombre ? Bien des cinéastes ont planché sur la question, et ceux qui s'en sortent le mieux ont en commun d'être très intelligents ET de ne pas se croire plus malins que le Barde lui-même ( Welles, Kurosawa... )
La pièce elle-même est résolument applicable à toute époque. Elle parle de politiciens véreux, de plèbe-girouette, et d'un général intransigeant, meurtri par la trahison et provoquant sa mort au terme d'une longue fuite-en-avant... autant de thèmes qui trouveront leurs échos de la Rome Antique aux confins de la galaxie en 13600 et quelques !
Ce Coriolanus s'avère révéler un Ralph Fiennes intelligent et authentiquement passionné. Les costumes et accessoires ne sont pas là pour forcer la modernité au marteau-niqueur, ce sont tout simplement des vêtements. Et Rome se réfère à un Empire, pas à la ville... On a donc bien devant nos yeux une démarche de réalisateur-auteur, pas une astuce de branleur à la con ! Et, non content de réussir son Shakespeare, Ralph a su juguler la shaky-cam de Barry Ackroyd ( jusque là connu pour les horreurs de Paul Greengrass ) quel grand homme !
Alors, bien entendu, il ne rivalise pas avec ces illustres ainés, mais il fait honneur à la pièce, et laisse briller ses camarades. L'affiche met l'accent sur Gerard Butler, très bon, cependant c'est surtout Vanessa Redgrave qui emporte le morceau. Son plaidoyer pour sauver la ville comptera à jamais parmi ses plus grandes performances !
J'ai bien hâte de voir ce que va donner son second film The Invisible Woman, sur la vie secrète de Charles Dickens...