Ayant toujours apprécié Ralph Fiennes comme acteur, j'étais curieux de voir ce qu'il allait donner comme réalisateur, et le constat est un peu mitigé. D'un côté on voit que l'ami Ralph manque de maîtrise technique, tâtonnant parfois comme jamais avec une caméra bougeant souvent beaucoup trop. Et si certains y ont vu une volonté de filmer façon brut de décoffrage ou reportage de guerre, toujours est-il que ça ne m'a pas convaincu. En revanche, il réussit à rendre étonnamment crédible une pièce créée en 1607 et respectée à la lettre dans un contexte contemporain, ce que n'avait pas réussi à faire Baz Luhrmann avec « Roméo et Juliette ». On s'étonne même d'oublier à plusieurs reprises l'origine du texte pour se concentrer pleinement sur le récit, prouvant au passage l'universalité de l'œuvre de Shakespeare et son extrême modernité à bien des égards, notamment dans sa vision des politiciens ambitieux et manipulateurs.
De plus, « Coriolanus » n'étant pas sa pièce la plus connue, nous ne sommes pas en terrain trop connu, nous permettant d'avoir un minimum de surprises du début à la fin. Après, on a parfois tendance à sourire face à certaines situations improbables (l'exil ou la mort en plein milieu de l'Assemblée nationale en 2011 : mouais), mais ça passe, d'autant que les décors ne sont pas si mal exploités, malgré un budget que l'on imagine restreint. Enfin, en plus de s'offrir le rôle principal, Fiennes a su s'entourer d'un casting ayant une sacrée gueule (Brian Cox, Vanessa Redgrave, James Nesbitt), où seule Jessica Chastain apparaît curieusement bien pâle. Bref, sans pouvoir parler de maîtrise, et même si je ne suis pas forcément partisan des transpositions où le texte de base est respecté à la virgule, reconnaissons qu' « Ennemis jurés » s'en sort avec les honneurs, moins convaincant dans le même registre que « Richard III » de Richard Loncraine, mais donc nettement plus intéressant que « Roméo + Juliette » de Luhrmann.