Ennio Morricone (10 novembre 1928 - 6 juillet 2020) est un homme inséparable. Inséparable, parce que apparaissant toujours dans une forme de duo avec l’un des fidèles réalisateurs pour lesquels il a écrit environ cinq cents musiques de film, depuis le présent maître d’œuvre, Giuseppe Tornatore, également au scénario, en passant par Dario Argento, Marco Bellocchio, Bernardo Bertolucci, John Boorman, Brian de Palma, Clint Eastwood, Roland Joffé, Wong Kar-wai, Terrence Malick, Oliver Stone, Quentin Tarantino, les frères Taviani, Valerio Zurlini, jusqu’à celui avec lequel la collaboration fut la plus glorieuse, l’ancien camarade de classe inopinément retrouvé, le grand Sergio Leone, avec lequel le partenariat fut si miraculeusement fructueux qu’il contribua à hisser chacun des deux artistes un peu plus haut encore dans l’ascension qui le menait vers le succès et la consécration.
Très savamment orchestré par Massimo Quaglia et Annalisa Schillaci, le montage entrecroise la parole de chacun de ces compagnons d’aventures au fil conducteur autobiographique et assez rigoureusement chronologique déroulé par de longs entretiens filmés avec le maestro en personne. À travers ce faisceau de regards, de témoignages, d’hommages, et à travers ses propres confidences, à nu, d’une sincérité souvent gagnée par l’émotion, surtout lorsque sont évoquées les figures parentales ou celle d’un maître aimé, la silhouette du grand homme que fut Ennio Morricone se détache enfin, solitaire, altière, intense et humaine, pareille à celle des héros de westerns spaghettis que sa musique a magnifiés et auréolés de gloire.
Grâce au travail d’archives entrepris, on est tout surpris et sincèrement touché de découvrir l’authentique humilité de cette figure imposante, sa naissance obscure et son enfance nourrie par le labeur d’un père trompettiste qui imposa à son fils cet héritage musical, loin de la carrière médicale à laquelle celui-ci aspirait. Se dévoilent ses premières compositions, pour la télévision ou la variété, déjà d’une qualité étonnante, car dans une vraie recherche et prospection musicales. Outre la carrière attachée au cinéma, plus connue mais volontiers retrouvée et explorée, apparaissent des compositions de musique contemporaine, telle cette pièce fascinante, écrite à la suite du 11 septembre 2001, « Voci dal Silenzio » ( 2002), et que l’on rêve de pouvoir écouter dans son intégralité.
On croyait Ennio Morricone connu de tous. On mesure, au sortir de ce documentaire passionnant, en immersion dans l’œuvre et la personnalité du maître, combien il était, en réalité, méconnu. Encore habité par l’inquiétude, mais aussi l’extrême attention exprimées par son regard, encore impressionné par la modestie non seulement sincère, mais presque même subie, du personnage, on comprend et partage toute l’affection et l’amitié contenues dans le titre et la mention de ce simple prénom, « Ennio ».