Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le sexe de vos voisins

C'est le juste et touchant Droit au baiser de Camille Ponsin qui m'a donné envie de découvrir le seul long-métrage documentaire jamais réalisé par Pasolini. A sa manière, culottée, frontale, ce dernier s'en allait, début des années 60, parcourir la botte italienne de long en large et libérer la parole du peuple italien sur le sexe, l'amour, le mariage, la bonne morale et tutti quanti, le tout en s'improvisant journaliste de micro-trottoir parce qu'il n'y a pas de sot métier.

En résulte Comizi d'amore, mine d'or à ciel ouvert pour les sociologues de tous poils soucieux d'appréhender la complexité des moeurs sexuelles dans un pays en plein boom économique mais toujours marqué au fer rouge par l'héritage catholique. S'il faut évidemment se garder de toute généralisation et éviter de prendre le film pour une étude exhaustive - Pasolini fait aveu d'échec sur ses résultats et se fait même limite engueuler par Alberto Moravia himself, il n'en ressort pas moins qu'une grosse poignée de témoignages surprenants, drôles, tour à tour étonnamment lucides ou furieusement spontanés, dressant un portrait fascinant d'un peuple tiraillé entre tabous sociaux séculaires et sentiment d'étouffement face à un conformisme moral que certains acceptent avec fatalisme et d'autres semblent vouloir faire voler en éclats.

Au-delà de toutes ces considérations finalement très terre-à-terre (mais contrebalancées par une conclusion sublimement poétique et humaniste), Comizi d'amore est de ces films qui fascinent par le regard vertigineux qu'ils offrent non pas sur des personnages mais sur l'humanité toute entière, sur les microcosmes qu'elle a créés et sur les règles qui peu à peu ont appris à les régir. Apportant ainsi la confirmation que l'intelligence, la sensibilité et la clairvoyance ne sont définitivement pas une question de castes...