En 20 ans de carrière, Kim Ki-duk a tourné 22 films. Et pourtant, il a connu, il y a quelques années, une crise de créativité intense qui l'a éloigné un temps des plateaux. Désormais, il semble quelque peu à la traîne de plusieurs de ses compatriotes cinéastes, certes moins prolifiques mais dont l'oeuvre répond mieux aux attentes de cinéphiles qui ont une certaine idée, stéréotypée, de ce que le cinéma coréen peut offrir. Kim Ki-duk est à part, et encore davantage avec Entre deux rives, son film le plus frontal et le moins sophistiqué en termes de mise en scène. Son héros, modeste pêcheur nord-coréen aux prises avec deux administrations, au nord et au sud d'un pays autrefois unifié, rejoint pourtant la cohorte de ces marginaux que Kim a souvent décrits dans ses films. Mais Entre deux rives est ouvertement politique et renvoie plus ou moins dos à dos deux pays paranoïaques et antagonistes. On pourra toujours discuter de la démonstration de Entre les deux rives qui semble surtout s'acharner sur la Corée du Sud et son capitalisme effréné et s'offusquer d'un manque de subtilité certain mais l'intérêt est ailleurs, dans le portrait d'un individu broyé consécutivement par deux systèmes, lui qui n'a rien demandé d'autre que de vivre sa "petite" vie tranquillement entre la pêche et sa famille. Drame humain, aux contours kafkaïens, le film marque le retour de Kim Ki-duk avec éclat, cinéaste passionnant et délibérément en marge et jamais politiquement correct.